[Histoire] – Quand on a voulu interdire la galette de sarrasin…

Ouest-Eclair (09/05/1917)

1917, une année noire comme le pain que les Français⋅es sont obligé⋅e⋅s de manger. Depuis le début de la « Grande Guerre », la pénurie alimentaire se développe dans tout le pays et touche principalement le blé. Sa récolte est devenue trop insuffisante pour couvrir l’ensemble des besoins nationaux. La production de 1917 atteint à peine les 40 millions de quintaux alors que la consommation normale fluctue entre 75 et 92 millions de quintaux(1). Hasthag VDM.

Maurice VIOLLETTE, alors  ministre du ravitaillement, annonce assez tôt dans l’année de nouvelles mesures de restriction sur les farines, les pâtisseries et la viande. Pour économiser le blé, les Français⋅es sont invité⋅e⋅s à éviter tout gaspillage. Plutôt logique. Mais surtout, en plus d’interdire la vente de pâtisseries et autres biscuiteries, on empêche par décret aux boulangeries de vendre du bon pain frais(2). Un comble ! Mais c’est ici le bon sens paysan qui parle… On mange moins de pain rassis et, forcément, on fait des économies. (NDLR : Pensez-y quand vous mettrez la prochaine fois votre pain frais dans votre grille-pain). Loin d’être anecdotique, certaines boutiques seront jugées et condamnées à l’amende pour avoir vendues du pain tout juste sorti du four(3), la législation ne permettant leur mise en vente que douze heures après la cuisson. Mais il y a pire !!!

Le 03 mai, un nouveau décret oblige de réserver et d’employer toutes les farines de succédanés (maïs, orge, sarrasin…) à l’unique fabrication du pain. Finie donc la galette de blé noir traditionnelle ! (Re)Hasthag VDM. La nouvelle est moyennement appréciée par la population. De nombreux estomacs rennais protestent et la presse locale ne manque pas d’en faire l’écho. Ici ou là, parfois de manière scientifique ou économique, on démontre que cette décision est contre-productive. Sans parler des lettres anonymes reçues par la rédaction du Ouest-Eclair dénoncant un voisin capable de la pire atrocité que celle de nourrir ses chiens avec de la galette et du beurre

Ouest Eclair (26/04/1918)

Après un mardi-Gras de l’année 1918 sans crêpe traditionnelle et quelques remontrances d’une délégation de galettierres de la région, le préfet d’Ille-et-vilaine ira protester auprès du ministre du ravitaillement pour plaider la cause de cette tradition et coutume locale. Il obtient gain de cause puisqu’à partir du 1er mai 1918, la fabrication de la galette n’est plus interdite mais seulement réglementée comme le pain. Les fabricantes de galettes sont ainsi priées de s’inscrire à la mairie et toute personne détentrice de tickets de rationnement de pain ont alors droit à 120 grammes de galettes de sarrasin par ticket. 

1917-2017, 100 ans plus tard, on revendique toujours le même amour de la galette mais agrémentée d’une saucisse à travers son hymne local « Galette-saucisse je t’aime, J’en mangerai des kilos, et des kilos ! »

 

 


(1)… http://www.crdp.ac-caen.fr/Spip/IMG/pdf/didac_doc_67_semons_du_ble_comp.pdf

(2)… http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k644991j/f1.item.r=pain.zoom

(3)http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k645270k/f3.item.r=tribunal%20boulangerrassis.zoom

photo illustration : ©Pierre Wolfer – https://www.flickr.com/photos/dewolfert/

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