Focus sur la scène rennaise – Regïs Boulard en interview

Attention, le concert prévu à l’Antipode le 4 février est repoussé à une date ultérieure…

Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

VISUEL_REGIS_BOULARD

En grand fan de Trunks, on avait très envie d’interviewer Regïs Boulard à l’occasion de la Carte Blanche que lui offre l’Antipode le 4 février prochain. Durant cette soirée co-produite avec la Station Service, Regïs Boulard a choisi de présenter un concert de sa formation la plus personnelle, Chien Vert, suivi d’une reprise de Streamer et de la prestation de Marcel Kanche. On en a d’ores et déjà l’eau à la bouche. Le batteur rennais navigue en effet entre la musique expérimentale et le rock avec escales sur les rivages du jazz, participe à des projets essentiels (Trunks, Chien Vert donc, Noël Akchoté, Régis Huby, Jean-François Vrod, Sons of the desert, Olivier Mellano) et sort ses disques sur Signature, l’un des labels de Radio France. Cette Carte Blanche coïncide d’ailleurs à quelques jours près avec la sortie du second album de Chien Vert, « Radio Dog » , après un premier essai réussi et remarqué (« Les touristes » ,  2008). Pour des raisons d’emploi du temps plutôt chargés de part et d’autre, l’interview s’est faite par mail. On y a appris que le batteur rennais se levait tôt, mais surtout on s’y est révèlé ému par tant de sincérité et d’intégrité. Merci M. Boulard...

Regïs BoulardAlter1fo : Je sais que ce n’est pas évident, mais si vous deviez vous présenter en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?

Régïs Boulard : 47 ans depuis peu, amoureux depuis 20 ans de la même femme, deux enfants de 19 et 12 ans… Un gars bien ordinaire!

Le projet principal dans lequel vous jouez, Chien Vert sort un nouvel album ce mois de janvier. Il a été enregistré à Radio France, et sort sur le label Signature. Comment s’est passée la rencontre ? Ce sont eux qui sont venus vous contacter ? Comment avez vous eu envie de travailler ensemble ?

Bruno Letort, qui s’occupe des labels de Radio France (Signature, Ocora, Paroles), est aussi le producteur de l’émission Tapage nocturne, sur France Musique. Il m’avait invité pour son émission, en 2000 ou 2001, avec mon ami Franck Laurent, intrigué par le label que nous avions créé, BoxPock. Sur ce label, nous avions, entre autres, deux disques avec Noël Akchoté, que Bruno connaissait bien. C’est Noël qui lui avait dit « vas-y ».

Il est venu voir, on ne s’est plus quitté ! Ce qu’on appelle une rencontre… J’avais commencé un disque avec mon complice de toujours, Régis Huby, pour BoxPock. Bruno nous a proposé de le faire pour Signature. Nous avons donc enregistré là-bas une bonne moitié du disque. Pour moi, LE rêve. Un endroit incroyable… Et le Service Public! Je suis tout autant un enfant de la télé que de la radio (c’est un privilège de mon âge, d’avoir le cul entre ces deux chaises-là). Ce disque ( « Oui mais ») à peine enregistré, Bruno m’a proposé d’en faire un autre. Ce fut Streamer. Et comme il est têtu (moi je dis « fidèle »), il nous a proposé de faire cet album de Chien Vert !

Dans Chien Vert, vous jouez avec Nicolas Méheust (voir l’interview de Shtok) et Stéphane Fromentin. Comment vous est venue l’idée de travailler ensemble ?

Je connais Stéphane depuis quelques années déjà. Nous nous sommes rencontré un peu par hasard, rencontre qui devait donner naissance à Trunks, quand même !!! Quand il a été question de monter Streamer sur scène, j’avais d’abord proposé à Olivier Mellano de nous rejoindre, Pierre Fablet étant l’autre guitariste. Olivier n’étant pas disponible, j’ai demandé à Stéphane. Bénédiction des agendas ! Ce fut pour moi une évidence immédiate. Sur cet exercice difficile (reprendre une musique jouée par d’autres et en très grande partie improvisée), il fut brillant. Fluide, proposant toujours, tout en gardant en ligne de mire l’intégrité du projet. Ultra fiable, rassurant, quoi !

J’ai rencontré Nicolas plus tard, nous avons été amené à partager des répétitions pour un projet qui ne me convenait pas. Mais Nicolas m’avait tapé dans l’oreille. Nous partageons des choses avec lui que je partage avec très peu de gens (Magma, King Crimson, Ellington…). C’est un gars solaire, il rayonne ! Et tous les deux ont ce truc précieux : une vraie intégrité, c’est-à-dire quelque chose qu’ils ne revendiquent jamais, mais qui’ ils mettent en œuvre jour après jour, très simplement. J’en oublierai presque de dire que ce sont de sacrés musiciens !

A un moment, j’ai souhaité prendre le risque d’initier un projet plus personnel que mon boulot de batteur, et plus versatile que Streamer qui a un cadre très défini. Je souhaitais une forme légère, trio au maximum. J’ai demandé à Stéphane et Nicolas s’ils étaient OK pour faire un essai d’enregistrement, « comme ça », pour voir… Ceddy Gonod m’avait proposé de prendre quelques jours chez ses parents (toute une histoire, une belle !), à enregistrer sans pression. Dès le 2ème jour, j’ai compris que ça serait un disque, et un bon ! Et voilà comment en quatre après-midi, en pleine digestion, est né Chien Vert, et le disque « Les touristes »…

R. Boulard-Streamer

Vous êtes connu pour votre intérêt pour l’improvisation et l’expérimentation. Quelle est la place de l’improvisation dans vos compositions ?

Comment dire ? Improviser, c’est désormais pour moi un moyen. Pas une fin. Je ne souhaite pas faire de la musique improvisée. Juste de la musique. Si à un moment, improviser me semble judicieux, alors banco ! Pour éviter certains pièges de l’improvisation (là, je parle à titre personnel, en fonction de mes capacités et surtout de mes incapacités !), quand nous avons enregistré « Oui mais » avec R. Huby, je lui ai proposé le système suivant: l’un couche une proposition sur la bande. L’autre écoute pendant la prise de son, et intervient à suivre, sans trop cogiter. Et ainsi de suite. Ça reste très ouvert, mais il y a en permanence la conscience que quelqu’un d’autre va suivre : il faut lui laisser la place, il faut rester concentrer sur l’autre.

Aujourd’hui c’est ce que nous faisons avec Chien Vert, mais tous les trois en même temps. Quand on sort des nouveaux morceaux, ça peut être Stéphane qui amène un embryon de mélodie, Nicolas une ligne de basse, ou moi un beat particulier, tout cela parfaitement interchangeable. Un mot ou une phrase peut suffire. Nous nous nourrissons de stimuli, mais il n’y a pas de challenge entre nous, genre « arbre à cames », vas-y avec ces mots, fais moi une symphonie… La notion de performance m’ennuie prodigieusement en général, alors en musique…PHOTO_WEB_CHIEN_VERT

Dans Chien Vert, comment est-ce que cela se passe ? Vous composez et improvisez à trois ? Chacun amène ses parties ?

Il y a déjà une bonne part de réponse plus haut. Il n’y a aucune autre règle que faire de la bonne musique ensemble. De la musique que chacun peut porter. Même si certains morceaux conviennent plus à l’un ou l’autre, à l’occasion. Aucun état d’âme sur le « comment », la concentration reste sur le « pourquoi ». Donc nous partons souvent d’une idée simple, ou plutôt d’une idée claire ! On voit comment ça vient, on prend 5 min pour formaliser un peu éventuellement, et hop !

C’est là que ce trio est très fort: ça va très vite à l’essentiel, donc ça laisse de la marge de manœuvre pour le superflu. Nous savons tous les trois comment ça marche, la mécanique de la composition. Alors nous ne perdons pas de temps là dessus. Chacun a parfaitement intégré une large part du patrimoine musical de notre monde. On l’utilise comme cadre. Ou pas… Mais j’ai la prétention de faire de la musique facile, qui vient beaucoup d’ici (enfin, l’Europe, les USA, 50’s, 60’s, 70’s, 90’s etc.)  Beaucoup de gens s’y retrouvent, pas forcément des mélomanes répertoriés, loin s’en faut… Et si un morceau ne marche pas vite, on passe à autre chose. Quitte à ce qu’il réapparaisse plus tard. La fluidité reste primordiale.

Quelles étaient vos envies avec ce nouvel album ?

Principalement, faire aussi bien que le premier ! Enfoncer le clou. C’est la 1ère fois que je vois un projet dans lequel je m’investis autant avoir accès à un deuxième disque ! La précarité devient la règle…
(Depuis, Trunks a gonflé les statistiques)
Objectif dépassé, nous pensons tous les trois que ce disque est encore un peu plus Chien Vert. Je dois dire que nous en sommes très fiers !

KeithMoonQuelles sont les influences que vous revendiquez ?

Ce qui m’influence aujourd’hui… Ou encore aujourd’hui. The Who. Définitivement. Groupe libertaire, immature, visionnaire, courageux, tenace. Keith Moon est dans mon cœur depuis mes 11 ans.

Comme lui, je fais souvent l’idiot. Pas forcément pour faire rire, ou pour exister. Comprenne qui veut. Moon, c’était un miroir tendu aux trois autres…
Dernièrement, Stéphane m’a offert « Chien Blanc », de Romain Gary. Je crois que ça va me squatter un moment.

Ma femme m’influence beaucoup. Elle est à la fois très élégante, toujours, et diablement « cash ». Je voudrais que ma musique soit comme ça.
C’est d’ailleurs un peu la même chose avec Stéphane et Nicolas. Je suis très fan de ces types-là. J’aime être fan. Mon fils est fan d’ AC/DC. Et je vois que c’est un moteur pour lui. Il s’éclate avec ça. J’aime assez être heureux. Chien Vert me rend heureux. Donc ça m’influence…

Si vous deviez citer trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?

Oh là là, la question maudite !!! Allez, sans trop finasser, ce matin (là, il est 7h45) ça serait « Who’s next » (des Who, donc!), « Descendre » de Terje Rypdal, et « Third » de Portishead. Mais à écrire ça, je me sens déjà orphelin des Noces de Stravinsky, de Wurdah Itah de Magma, d’ Ascension de Coltrane, de Red de Crimson… Et de mon best off de Blondie.

trunks-1Vous jouez aussi dans Trunks. Qu’y a t-il de prévu dans les mois à venir?

Eh bien, ni plus ni moins que le prochain album, enregistré voilà deux semaines (c’est tout frais) au studio Black Box. Ce disque a pris son temps et c’est très bien. Nous avons trouvé un équilibre de fonctionnement très efficace qui n’était pas encore là il y a un an. Il faut dire que nous avons eu la chance de beaucoup jouer l’an dernier, grâce à notre défunt tourneur Propergol (spécial dédicace à Ben). Là, nous démarrons une nouvelle aventure avec Caravelle, et donc ce nouveau disque. Il sortira en vinyle et en numérique (CD ou pas…). De la balle ! Et là aussi, un fonctionnement collectif, fluide, efficace. A cinq ! Respect…

L’Antipode vous a proposé une carte blanche. Pour quelles raisons avez-vous eu envie d’y inviter Marcel Kanche ?

Marcel Kanche m’a fait l’honneur (pour de vrai, ces mots !) de me proposer de jouer sur son nouvel album, « Les vigiles de l’aube » (Quel titre!!! Je suis jaloux). Je ne le connaissais pas, que de nom, et encore… Il m’a envoyé un mail qui m’a bouleversé par son côté frontal: « c’est toi, tout de suite, voilà ma chanson, dis moi » (quoi que, à l’époque, on se voussoyait). J’ai dis oui avant d’écouter. Au début ça devait être un ou deux titres, finalement c’est quasi toutes les chansons. C’était l’an dernier. Depuis j’ai l’impression qu’on se connaît depuis… au moins. Et je crois que c’est vrai. Ce type m’impressionne énormément, mais sans que ça m’inhibe. C’est motivant ! Comme il m’a découvert via Chien Vert (et la complicité de Nicolas et de Pierre Payan), il me semblait impossible de ne pas l’inviter au banquet. Ah oui, j’oublie : il nous a offert sa voix et ses mots sur « Paresse et messe », sur Radio Dog.

Les touristesSur la scène rennaise, comment vous situez-vous ? Êtes-vous en contact avec d’autres artistes rennais ?

Je ne me situe pas, j’avoue. Je ne sais pas. Il y a peu, François Leblay (le boss de la Station Service, qui co-produit cette carte blanche, et qui me soutient depuis des années) écrivait « R. B. batteur incontournable (…) ». Et je me disais que je suis quand même sacrément contourné… Apparemment, tout le monde pense que je suis over booké. Il y en a qui pensent que je suis inapprochable, impossible à vivre, trop ceci, trop cela… C’est forcément de ma faute, mais je le regrette. Je me suis autant éclaté à jouer avec Fannytastic ou Marc Gauvin qu’avec Sons of the Desert, et j’y ai mis autant d’énergie que dans Chien Vert. Pour moi, l’essentiel, c’est d’avoir envie de jouer avec untel ou une telle, ou qu’ untel (…) ait envie de jouer avec moi. Une fois que c’est posé, la musique arrivera forcément, convoquée par notre volonté!
Faudra juste voir si c’est bon ou pas…

Pour la 2eme partie de la question, oui, bien sûr, mais pas tant que ça. Outre les gens de Chien Vert et de Trunks (et ça fait du monde : Laetitia Shériff, Florian Marzano, Daniel Paboeuf!), Olivier Mellano et moi trouvons toujours le moyen de faire des trucs une ou deux fois par an. Et il m’invite à (presque) chacune de ses cartes blanches. Où j’y retrouve Thomas Poli, Gaël Desbois, David Euverte avec qui je partage pas mal d’aventures passées et présentes (Marc Gauvin, Cine Monstro…) et d’autres, je vais en oublier, pardon… J’ai aussi beaucoup d’admiration pour La Terre Tremble !!! [c’est d’ailleurs réciproque : voir l’interview de La Terre Tremble !!! ]On s’est croisé lors de deux stages d’improvisations que j’animais. Quel parcours ! Et puis Robert le Magnifique, on se renifle le derrière depuis un moment, avec Stéphane Fromentin, ça va se faire… Il y a le travail que je fais avec Ceddy Gonod, de production, de musique, d’enregistrement, de bouffe aussi. Mais j’ai du mal à lui coller l’étiquette « artiste rennais » . Mais c’est à Rennes qu’on s’est choisi, c’est sûr !

Chien VertAprès cette carte blanche à l’Antipode, quels sont vos projets ? Une tournée avec Chien Vert ? D’autres projets ?

Je vais partir pour quelques dates avec Marcel Kanche. A la fin du mois, nous mixerons l’album de Trunks. Nous pensons déjà au 3ème Chien Vert. J’ai aussi commencé à bâtir un projet plus lourd, à 5 ou 6 musiciens. J’y consacre du temps, mais c’est plus que flou pour l’heure : j’aime cette étape !

Nous allons essayer de tourner au maximum avec Chien Vert. Sophie Racineux, de la Station Service, s’occupe de nous depuis peu, et ça semble prometteur, le 1er album a été bien reçu, le 2ème arrive à temps. Je vais aussi tenter de survivre matériellement, ça prend du temps, désormais.

Je vais essayer à nouveau de rencontrer d’autres personnes, d’autres mondes. Pour nourrir le mien. Par forcément dans la musique! Ma rencontre de l’année 2009, qui me porte encore, ça a été avec Robert et Sylvia Meanwell. Lui est un ancien membre d’équipage de char Sherman. Elle une des plus belles femmes que j’ai pu voir. 89 et 88 ans. Et une force de vie peu banale, tournés tout les deux vers l’avenir, et le gin tonic.
Cheers!

Merci !!

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)

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Regïs Boulard sera à l’Antipode pour une Carte Blanche avec un concert du trio Chien Vert, la reprise de Streamer et la venue de Marcel Kanche et Jean-François Vrod vendredi 4 février – 20 h 30.

Antipode, 2 rue André Trasbot – Rennes.

Tarifs : Sortir : 4 euros / Membres : 10 euros / Plein tarif : 12 euros.

Myspace de Régïs Boulard/ Chien Vert : http://www.myspace.com/chienvert

Myspace de Trunks : http://www.myspace.com/areyoutrunked

2 commentaires sur “Focus sur la scène rennaise – Regïs Boulard en interview

  1. Régis Boulard

    CONCERT CHIEN VERT le 6 octobre 2011 au Vieux St Etienne, avec LA TERRE TREMBLE!!!
    VIENDEZ.

  2. Isa

    on en reparle bientôt 😉

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