Festival Treize aux Gayeulles : c’est pas de la chance, ça ?

Coup de bol pour les oreilles rennaises, le festival Treize est de retour du 12 au 15 avril 2018. Pour la seconde édition de son festival fétiche, la belle bande des Disques Anonymes nous a concocté une programmation de pure folie rassemblant ce qui se fait de plus déviant ou chelou en matières de musiques électroniques ou extrêmes. Petit tour d’horizon de ce que les Pythies et autres prêtresses Delphiques nous prévoient les 13, 14 et 15 avril au Parc des Gayeulles.

La chic bande des Disques Anonymes est non seulement la vaillante organisatrice de l’excellent festival estival Visions mais elle a de plus des fins de soirées particulièrement inspirantes. C’est au cours de l’une d’elle, sans doute particulièrement bien arrosée, qu’ils ont l’idée aussi géniale que casse-gueule d’organiser un festival sur Rennes ayant lieu un vendredi 13. Entre chat noir, trèfle à quatre feuilles et caprices calendaires, ils ont déjà réussi une première édition particulièrement généreuse qui mobilisait pas moins de six lieux différents. L’édition 2018 se recentre sur seulement deux endroits : l’Antipode MJC en ouverture et un chapiteau installé au Parc des Gayeulles pour le gros de la fête. Elle a par contre mis les bouchées triples sur la programmation avec un mélange assez somptueux de découvertes excitantes et de formations mythiques pour lesquelles nous nous sommes pincés à treize reprises pour vérifier que nous ne rêvions pas leur venue sur Rennes. La fête démarrera donc dès le jeudi 12 avril à l’Antipode MJC par une soirée délicieusement brutale qu’on vous a présentée ici. Et se poursuivra avec le week-end avec plus d’une trentaine de groupes. C’est pas de la chance, ça ?

Vendredi 13, Parc des Gayeulles

Pour ce premier soir sous chapiteau au Parc des Gayeulles (vu les draches d’eau qui nous tombent sur le dos depuis des semaines, la bande a beau aimer jouer avec le sort, on le leur concède c’est plus prudent), les chouettes locaux de GareSud nous enverront comme il se doit sur les rails à coups de techno inspirée et d’électro dark à souhait tandis que le duo suédois Roll The Dice composé de Peder Mannerfelt et Malcolm Pardon risque de nous secouer l’épiderme avec ses pérégrinations hybrides entre ambient et sub-bass de fin de monde, sonorités métalliques et industrielles, analogique et synthétique. Bien moins sérieuse, la synth punk à la lubricité malicieuse des Succhiamo (aka Paula de J.C. Satan et Théo Delaunay de Lonely Walk et Panoptique) vous fera danser sur une liste de courses pour le supermarché conseillant bananes, carottes et courgettes (!), autrement dit un électroclash gras et salace.

Le quintet de Newcastle Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs fait quant à lui dans la psyché noise du meilleur aloi, avec un chanteur qui sait hurler au démon et des riffs boueux à souhaits. Mais a eu la mauvaise idée d’annuler sa venue en France aujourd’hui. Ils seront donc remplacés au pied levé par Culture Emotion. La formation réunit Colin Pastor et Charly Saulay, sympathiques lurons tourangeaux (batterie et guitare avec deux amplis, l’un guitare, l’autre basse) désormais installés par ici, qui mêlent avec une habileté réelle et un joyeux éclectisme guitares éthiopiques, rythmiques tour à tour rock ou africaines, hymnes punk braillards et (dé)braillés, brumes My Bloody Valentiniennes et coups de boutoirs larsenés. Bigre. On aime aussi beaucoup la dinguerie inclassable du Texan d’Austin Shit and Shine, qui produit une sorte de bruit mutant jouant sur les répétitions implacables, une électro sévèrement dérangée où les samples disco côtoient les sabres lasers. Les amateurs de pop cheloue bien barrée trouveront également leur compte avec le duo canadien Phèdre dont les compos de pop psychée électro valent le détour. D’autant plus qu’ils seront pour cette date accompagnés de deux Mc’s sur scène : on a bien hâte de voir ce que ça donne. Le Matin (ou là) rennais est tout aussi déglingué, et passe avec une insolente facilité d’une musique dense, étrange, couplant sonorités acides, rythmiques concassées et synthés plaintifs, à une techno onirique, sensible et mélancolique, de bourdonnements électriques oppressants à des chnasons électroniques obsédantes.

On sera tout aussi ravi de retrouver le duo rennais The Black Regent, forcément, dont les compos sombres, amples et bruitistes basculent d’apocalypses subtiles en rythmiques tortueuses. Pour les fans de Godflesh qui jouent la veille au soir à l’Antipode dans le cadre du festival, le live en solo le lendemain au parc des Gayeulles de JK Flesh (autrement dit la moitié du duo de métal indus) est une excellente manière de poursuivre le festival cette fois-ci en penchant du côté de la techno et de l’électro les plus lourdes (on est pour notre part raide dingue de la dernière sortie du garçon PI04 en février dernier, une tuerie tout bonnement dantesque). Question son à se damner, les suivants ne sont pas mal non plus : les Lyonnais encapuchés du très sludge et doom Cult Of Occult assèneront leurs rythmiques plombées et leur growl d’outre-tombe avec un acharnement gras et sinistre pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

On a également comme beaucoup un très très gros faible pour DAF (aka Deutsch-Amerikanische Freundschaft) fondateurs du synth punk dont les hymnes synthétiques et le chant-parlé auf deutsch martèlent depuis longtemps nos oreilles. No future nihiliste passé à la moulinette Düsseldorf, l’électronique minimale du duo composé de Robert Görl (batterie, synthés) et Gabi Delgado-López (chant) détourne (et dégomme) les symboles (fascistes notamment), provoque, troque les guitares du punk contre des synthés à la raideur rythmique ou plus exactement insuffle à l’électronique des K(raftwerk, kraut) l’énergie forcenée et désespérée du punk. Essentiels pionniers (le groupe a quand même été fondé en 1978), les D.A.F. sont sans conteste l’une des chouettes raisons qui donnent envie de se précipiter aux Gayeulles ce vendredi 13.

Samedi 14, Parc des Gayeulles

Le lendemain s’annonce d’aussi bonne augure puisqu’on y retrouvera Abschaum, kraut cosmique lyonnais de fort bonne facture ainsi que le duo basse-batterie nantais Alber Jupiter, aux rythmiques lourdes, elles aussi bien kraut, qui donnera son premier concert pour Treize. Le brestois François Joncour présentera quant à lui son projet électro, Poing_, entre cold wave, techno et rythme motorik. Le producteur chicagoan et son électro au groove rampant Beau Wanzer devraient tout autant nous ravir les tympans d’une techno angulaire fourmillant de bruits abstraits accouplés à des rythmiques rudimentaires. On est aussi particulièrement impatient d’entendre le vétéran aux idées tout aussi décapantes (c’est à dire entre dark ambiant et indus) formé à la fin des 70’s Art & Technique. Et dont la venue par ici n’est rien de moins qu’une étonnante et chouette surprise.

 

Avec une cohérence certaine mais tout autant d’envie de grand écart, le festivalier pourra dodeliner du booty avec Bill Vortex (aka Poborsk actif depuis une vingtaine d’années) et son IDM particulièrement lumineuse (on pourrait même dire ensoleillée) puis s’agglutiner en masse compacte devant le duo Volition Immanent et son EBM qui castagne dur et dru. Entre noise hardcore, EBM, donc, et techno indus, Parrish Smith et Mark van de Maat ne choisissent pas et massent nos oreilles à coups d’acid ravageuses et de rythmiques qui bourrinent. Si vous manquez encore de décharges sonores pour vous électriser les oreilles, Deeat Palace aka Marion Camy-Palou qu’on a vue dans Officine et Astre, a ce qu’il faut en réserve pour vous escagasser le conduit auditif à coups de stridences grésillantes obsédantes.

Dans les grands groupes qui manient le bruit avec une beauté insondable, le trio parisien Sister Iodine est immanquable. Un quart de siècle d’existence tout au moins, mais un immense groupe de bruit et de fureur vénéneuse (l’immense Venom est sorti en février) dont l’intense puissance et le chaos intranquille remuent les tripes et l’âme. Lionel Fernandez, Nicolas Mazet et Erik Minkkinen explorent le son jusqu’aux limites et délivrent une musique radioactive, déviante, profondément dérangeante et belle. Magmatique et vicieuse, leur noise radicale se révèle aussi dangereuse qu’incarnée, aussi malsaine qu’essentielle.

S’il est assez improbable que vous dansiez sur Sister Iodine, Toresh aka Tolouse Low Tracks (aka le résident du Salon des Amateurs de Düsseldorf) accompagné de Vicky Wehrmeister aux imprécations vocales, vous baladera plus certainement sur son groove léthargique rehaussé par les étranges vocaux de Vicky Wehrmeister et les rythmiques hypnotiques pleines de sonorités industrielles qui charpentent ses développements. Tout comme le duo Rezzett basé à Londres, dont la techno lo-fi, racée et vaporeuse sortie chez The Trilogy Tapes devrait facilement contenter les amateurs de dancefloor la tête dans/sous les étoiles. Les non moins célèbres (par ici) Nate & Jojo seront là, comme à leur habitude, pour un show électro débridé et complètement déjanté avec leur style inimitable et cette dose de fun qui les caractérise.

Sûrement moins funky, et bien plus brut, la moitié de Volition Immanent dont on vous a parlé plus haut, le Néerlandais Parrish Smith nous plongera dans un grand raout de techno caverneuse, tout en grésillements maladifs et textures saturées, au pied immensément puissant et lourd à se décoller la plèvre des poumons. Avec un talent certain pour déstructurer, voire constamment breaker ses progressions déjà peu linéaires, le producteur devrait nous balader d’aciiid industrielle en EBM frénétique jusqu’à ce qu’on n’ait plus qu’à crier grâce sur le dancefloor. Coucou Chloe l’hyper talentueuse productrice française basée à Londres (également membre du duo Y1640 avec Sega Bodega et cofondatrice du label NUXXE avec Shygirl) à l’univers déjà sacrément personnel, responsable d’une trap techno (mais c’est ô combien réducteur) aussi rapidement addictive qu’époustouflante devrait elle aussi sans conteste nous coller la tête aux enceintes.

On attend pour notre part avec une impatience frémissante le duo James Ginzburg et Paul Purgas aka Emptyset, tant on a envie de ressortir de là en miettes, l’oreille exsangue. En live, le duo de Bristol assène ses breaks dantesques, strie les enfers de ses fréquences basses et vous martèle la boîte crânienne de ses rythmiques lentes, insidieuses, viciées. Textures synthétiques et/ou analogiques sculptées avec une minutie diabolique, concepts de compositions (parfois) arides et passionnants (sur Borders, par exemple, ils explorent les aspects structurels de la musique rituelle et des compositions non occidentales), exploration des propriétés physiques du son jusque-boutiste, les compositions toxiques des fondateurs de Subtext risquent bien de nous coller une mandale sonique de haute volée.

Et histoire de ne surtout pas se refroidir et de danser jusqu’au bout de la nuit, rendez-vous devant Samuel Kerridge, figure essentielle de la techno anglaise qui sort du cadre, qui troquera ce samedi soir la centrale électrique du Berghain pour le Parc des Gayeulles et ses lapins. Hâte.

Dimanche 15, Parc des Gayeulles

Et puis si vous n’avez toujours pas envie d’aller dormir, sachez que les gaziers remettent le couvert le dimanche 15 (toujours au Parc des Gayeulles) après-midi avec une sorte de battle entre les deux collectifs électro BFDM (Brothers from different mothers pour les intimes) et Qui Embrouille Qui ? featuring Hasar de Doria, James Tarba, Jardin, OKO DJ, Graal et Judaah. Autrement dit un final vigoureux qui devrait clôturer cette nouvelle édition avec classe.


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