Festival Musiqu’Alambic : Interzones transforme le son en or

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Mi-alchimistes, mi-bouilleurs de cru, les joyeux sorciers de l’association Interzones nous ont concocté dans leurs alambiques et autres cornues, un premier millésime de festival aussi riche en degrés qu’en émotions. Retour sur la soirée du samedi 3 mars 2012 au Jardin Moderne, où la musique sera passée par tous les états de la matière.

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Nous n’arriverons, hélas, pas à temps sur les lieux pour voir plus que la dernière chanson du tout jeune trio rennais : Rünn. Juste le temps donc, pour une poignée de photos et pour se dire que cette jolie envolée finale à la Magma donne bien envie d’en voir plus.

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La prime du nom le plus difficile à mémoriser de la soirée revient haut la main au trio de français installé à Bruxelles, Vitas Gerulaïtis (sauf pour les érudits sportifs visiblement déçus par l’absence de balles jaunes et de raquettes sur la scène). Les zigues commencent très fort et leur rock dada, dégingandé et braillard fait rapidement mouche. Le set est aussi bref qu’intense et on se prend dans la face leurs compositions très efficacement déconstruites avec un sourire certain, mais légèrement inquiet. Rythmes décalés, guitare hoquetante et duo de voix tout juste échappé de l’asile servent parfaitement ces flippantes histoires où, d’après les explications de texte fournis par le chanteur, on cause des préliminaires, du deuil de quelqu’un qu’on n’a pas connu, d’amour pour un chien ou un nazi mais où l’on aime moins les petits vieux.
Du rock zarbi,vaguement inquiétant et porté par une énergie très communicative.

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Retour ensuite au local, avec le rennais Mein Sohn William. Du récent album de Dorian Taburet, on avait déduit un amour certain pour : les constructions tordues mais tenant fièrement debout, les rythmiques de bric et de broc endiablées et les breaks abruptes comme une falaise. Ce que l’on ne soupçonnait pas, malgré les multiples bulletins d’alertes lancés par les collègues, c’est l’énergie déployée sur scène par le bonhomme. Tel un zébulon sous gurozan, le gonze papillonne furieusement d’un bout à l’autre du plateau, jonglant des pieds et tapant sur tout ce qui lui passe entre les mains. Chant déclamatoire et malicieux, jeu live, samples pré-enregistrés et boucles diverses se mêlent en un joyeux foutoir bariolé, parfois un peu flippant mais toujours irrésistible. La tornade ne faiblit pas d’intensité du début à la fin et les boucles de synthés se font délicieusement dansantes pour notre plus grand plaisir. Quelque part entre les bricolages géniaux du Beck des débuts et la vitalité irrésistible d’un Dan Deacon, Mein Sohn William vous renverse littéralement et l’on a rarement autant pris plaisir à se faire secouer par la bourrasque.
Contrairement à ce qui était annoncé, pas de traces de la sœur du monsieur sur scène, mais nous aurons en prime droit à deux duos. L’un avec un violon et l’autre avec un saxophone qui viendront rajouter deux petites louchées fort savoureuses à un plat déjà bien consistant.

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Changement radical de registre avec Jean-Louis, trio Parisiano-Bruxello-Romain qui va lui aussi nous offrir une prestation de haut vol. Après les ritournelles déglinguées du fiston William, on pourrait penser que le passage à un free jazz puissant et cinématograhique serait douloureux, mais pas du tout. La transition se passe comme un charme et la classe des messieurs fascine immédiatement. Leurs longs morceaux laissant la part belle à l’impro savent prendre le temps de creuser les ambiances et de débouler là où on ne les attend pas. Les rythmiques portées par le duo batterie/contrebasse électrifiée sont particulièrement impressionnantes, explorant sans vergogne un funk étrange ou des accents metal orageux à la Zu. Comme la trompette déchainée n’est pas en reste, la prestation ravit l’auditoire et l’on est surpris de voir le temps passer aussi vite alors que c’est déjà le quatrième groupe et qu’on approche les 1h du matin.

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Après trois aussi belles prestations, la barre était plutôt placée haute. Pourtant, c’est sans difficulté que la belle bande de L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp franchira l’obstacle. L’appellation orchestre n’est point usurpée puisque ça se bouscule un peu sur scène. On y retrouve pêle-mêle : un guitariste, un violoncelliste, une violoniste, un batteur, un tromboniste et une joueuse de marimba. Difficile de résister à l’énergie dégagée par cette impressionnante troupe. Tous se démènent comme de beaux diables pour produire dans un bel élan collectif et tribal une fanfare punk dans la droite lignée des formidables The Ex. L’énergie immédiate et irrésistible est donc foncièrement rock, mais viennent s’y ajouter avec bonheur de délicieux accents afro-beats ou quelques bizarreries vocales à la Zappa.
La salle tombe rapidement sous le charme et l’accueil est amplement chaleureux et enthousiaste. Après trois très bons rappels, le public en réclame encore et la fête se termine en apothéose par un émouvant chant tribal a cappella au milieu de la foule juste souligné par un ostinato puissant à la contrebasse.

Pour sa première cuvée, le festival Musiqu’Alambic d’Interzones aura frappé très fort. Une programmation généreuse, atypique, audacieuse et à l’esprit large… on en reprendra volontiers une tournée l’année prochaine.

Photos : Yann & MrB

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