A Rennes aussi, la précarité touche d’abord les cheffes de familles…

En France, le nombre de familles monoparentales s’accroît régulièrement, conséquence principale des divorces et des séparations. Rennes Métropole n’échappe pas à cette évolution. Une récente étude de l’INSEE sur la mixité sociale montre une augmentation de +16.9% du nombre de familles monoparentales entre 2008 et 2013 faisant croître leur part à plus de 14% en moyenne sur le territoire métropolitain.  Contraste saisissant, une disparité forte sur le territoire existe puisque ce taux atteint ses plus hauts niveaux dans les quartiers dits « prioritaires » de la ville de Rennes  comme l’atteste le tableau reporté ci-dessous. La représentation par quartier du nombre de familles monoparentales bénéficiant d’allocations familiales en 2013 est encore plus parlante puisque les taux peuvent atteindre jusqu’à 45,6% dans les quartiers de Maurepas/La Bellangerais, 40,2% à Villejean/Beauregard et 38,8% au Blosne. Bref, les quartiers populaires deviennent de véritables territoires d’accueil pour ces familles dont les revenus sont plus limités.

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Source : INSEE – Évolution du nombre et part de familles monoparentales dans Rennes Métropole

LOGEMENT ET PRECARITE

Sans généraliser, être en situation de monoparentalité constitue incontestablement un facteur aggravant de précarisation puisqu’elle s’accompagne souvent de conditions de vie plus difficiles. Et dans 85 % des cas, ce sont les femmes qui se retrouvent cheffes de foyers.

Katja Krüger (Adjointe Ville de Rennes, aux Temps de la Ville et à la Petite Enfance) : « Dans la majorité des situations de monoparentalité, il s’agit effectivement de femmes seules avec enfants pour lesquelles les contraintes liées à l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale sont plus lourdes. Elles sont aussi plus exposées au chômage que les mères en couple. Les récentes études de l’APRAS montrent que les quartiers de Maurepas et du Blosne abritent un nombre important de familles monoparentales, essentiellement des mères. Ce sont principalement des femmes seules souvent peu qualifiées ayant des difficultés à s’insérer ou se maintenir sur le marché du travail. Lorsqu’elles travaillent en horaires atypiques, elles s’exposent à des frais de garde très élevés. »

Cela se confirme à travers différentes études. Le taux de pauvreté des familles monoparentales est 2,5 fois plus élevé que celui de l’ensemble des familles (cf. Onpes). Elles sont aussi les premières victimes du surendettement selon la Chambre régionale du surendettement social (Crésus). Comme le souligne les élu-e-s du front de gauche de Rennes : « Quand les plus pauvres se retrouvent concentrés dans les mêmes quartiers, c’est-à-dire là où c’est le moins cher, mais aussi le plus vieux et moins confortable, cela pose la question du manque de logements et le montant des loyers des logements neufs. Il y a donc une politique du logement à améliorer, même si Rennes n’est pas la pire place en France. »

Ainsi et pour tenter de réduire les inégalités d’accès au logement, Rennes Métropole envisage d’imposer un loyer unique pour tous ses logements sociaux. Un loyer fixé selon le type de logement, peu importe son ancienneté et sa localisation. Une vrai-fausse bonne idée pour Jean-Paul Tual, élu Front de gauche : « le système risque de créer des situations sous tensions avec des logements plus vétustes délaissés dans un contexte où le parc HLM est déjà saturé. » (cf. Mensuel de Rennes N°86) 

EMPLOI ET PRECARITE

Bien que les familles monoparentales ne forment pas une catégorie sociale homogène,  on retrouve à travers leurs témoignages glanés ici où là un point commun : celui du fragile équilibre qui régit l’organisation familiale.

Emmanuelle M. : « Notre vie est une survie. Je suis obligée de saisir tout emploi et souvent les plus précaires. Le moindre retard de paiement des Assedic, de la CAF ou de la Sécurité sociale est un drame. »

Solange B. : « Travail précaire, logement précaire, voilà notre quotidien. Des absences répétées dues aux diverses maladies de mon fils ont eu raison de mon travail, et je viens d’être congédiée. La société d’aujourd’hui n’est pas adaptée aux familles d’aujourd’hui. »  

Nicole M : « Le fait d’être seule et de n’avoir que mon salaire me donne pourtant un sentiment chronique, mais écrasant, d’insécurité financière : il suffirait de si peu pour que tout se casse la figure… Et, bien sûr, l’organisation de la vie quotidienne repose sur moi seule. C’est lourd. »

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Malgré les aides et les allocations sociales, et alors que 40% des pensions alimentaires ne seraient pas ou irrégulièrement payées (chiffre cité par le rapport Fragonard-avril 2013),  les femmes élevant leurs enfants sont parfois bien obligées d’assumer seules les besoins du foyer. Un rapport de la Cour des Comptes indiquait déjà en synthèse qu’ « une politique de lutte contre la pauvreté nécessiterait d’accroître le revenu initial des familles monoparentales, notamment en facilitant leur insertion sur le marché du travail… ». Mais ces dernières sont souvent dans une situation moins favorable sur le marché du travail puisqu’elles doivent surmonter les contraintes liées à leur situation de mères isolées (garde d’enfants en particulier). En 2012, les parents seuls sont deux fois plus souvent au chômage par rapport aux parents en couple (16% contre 7%), notamment de longue durée (47% contre 37%). Seule la moitié des mères de famille monoparentale occupent un emploi à temps complet.

Katja Krüger : « Les demandes d’accueil des familles monoparentales font l’objet d’un examen attentif lors de la commission d’attribution des places en crèches. Ces familles sont considérées comme prioritaires, dans la limite des places disponibles. Ainsi, 25% des familles dont un enfant est accueilli, sont monoparentales. Les multi-accueils ouverts récemment par la Ville accueillent désormais sur des horaires plus larges. Par ailleurs, la ville soutient également des associations répondant à ces nouveaux besoins. Celles-ci proposent notamment un mode de garde à domicile sur des horaires atypiques pour les familles en situation de précarité et ayant perdu leur emploi et des crèches fonctionnant sur des horaires élargis. »

Pour les élu-e-s du front de gauche de Rennes, des efforts restent pourtant à fournir :  « Rennes manque cruellement de places en crèche, ce qui ne facilite pas le quotidien de ces femmes. De la même manière, la ville de Rennes pourrait remettre l’accueil des enfants en maternelle à partir de deux ans. Un problème plus récurent qui nous revient souvent aux oreilles : le manque d’écoute des acteurs sociaux qui agissent dans les quartiers. Plutôt que de s’entêter à mettre en place des politiques publiques sans concertation, il faut co-construire avec les intervenants et les habitants […] ». 

LA FAMILLE EST MORTE, VIVE LES FAMILLES…

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La notion même de FAMILLE est en pleine mutation si tant est qu’elle existe. Impossible donc de conclure  sur un sujet portant sur de multiples schémas et qui soulève bien d’autres questions sociétales. Nous aurions pu évoquer les difficultés propres aux pères monoparentaux, de plus en plus nombreux. Nous aurions pu élargir le débat sur les conséquences du mal-logement et de la précarité sur la scolarité des enfants; nous avions déjà commencé à l’évoquer ici. Nous aurions pu aussi évoquer le raccourci stigmatisant de la « démission parentale », mythe entretenu par nos politiques pour culpabiliser encore plus les premières victimes des politiques d’austérité successives.  Mais c’est un fait : l’aggravation de la pauvreté frappe particulièrement les personnes seules et les familles monoparentales. Choisi ou subi, ce mode de vie pose des difficultés d’organisation et entraîne une baisse notable de niveau de vie.  Or, comme nous l’évoquions, les femmes sont largement majoritaires en tant que cheffes de famille. Pas étonnant donc de constater une augmentation de la proportion de femmes dans la population pauvre même si être une « famille monoparentale » reste souvent une étape transitoire.  La monoparentalité devient un enjeu qui dépasse la sphère privée et pose une nouvelle fois la question des inégalités Femmes/Hommes.

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Le coin lecture :


Il existe plusieurs définitions des familles monoparentales :

• une définition statistique (celle de l’Insee), la plus communément retenue pour le repérage statistique de ces familles et l’étude de leurs caractéristiques ;
• une définition administrative (celle des Caisses d’allocations familiales – Caf) qui renvoie à la catégorie des « parents isolés » en tant que cible des politiques familiales

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