[Histoire] – Quand de Gaulle n’était pas le bienvenu sur sa propre esplanade !

Les plus irréductibles Gaulois Rennais⋅es⋅parlent encore du ″Champ de Mars pour évoquer l’esplanade Charles de Gaulle. Parfois lieu de villégiature pour cirques barbares avec animaux sauvages(1), parfois point de départ à de nombreuses manifestations, cette place était, il n’y a pas si longtemps encore, un immense parking aérien. C’est suite à ses nombreux aménagements (station de métro, parking souterrain, cité universitaire internationale…) que l’ancien Champ de Mars a été rebaptisé esplanade Charles de Gaulle. Pourtant, à y regarder de plus près, cette nouvelle dénomination a peut-être été mal choisie.

22 aout 1944, rennes @wiki-rennes

Le 07 avril 1947, près d’un an après sa démission du gouvernement provisoire (GPRF), de Gaulle lance officiellement son mouvement, le RPF (Rassemblement pour le Peuple Francais). Pour l’un de ses tous premiers déplacements en province, il choisit la Bretagne. Rennes étant la dernière ville étape de ce « Breizh-Tour », le maire  Yves Milon souhaite que l’ancien chef de la France Libre puisse s’exprimer sur le Champ de Mars, lieu pourtant habitué aux revues militaires, aux marchés à Bestiaux et même aux courses hippiques. Cette annonce provoque de vives tensions au sein du conseil municipal qui comprend des modérés, des radicaux, des socialistes et fait d’importance, des communistes(3).

En effet,  certains observent avec méfiance et fermeté les nouvelles ambitions politiques du général. L’unité rassemblée autour des thèmes communs de la Résistance de l’après-guerre n’existe plus. L’exclusion des ministres communistes du gouvernement en mai 47 témoigne de ce  trouble politique. Cette visite est donc vue comme un rassemblement « factieux risquant de troubler l’ordre public. »

Un comité de vigilance pour la défense de la République regroupant principalement des communistes, la SFIO et l’Union des syndicats se crée alors. Celui-ci va demander dès le 10 juillet le refus du Champ de Mars comme lieu de réunion et de manifestation. David Bensoussan (NDLR : agrégé et docteur en histoiredécrit cette passe d’arme comme « le souci des communistes de rappeler les pratiques autocratiques durant la guerre » de de Gaulle et de dénoncer « la présence de nombreux Vichyssois plus ou moins repentis au sein de son mouvement. »

Le 11 Juillet 1947, durant un conseil municipal houleux, la motion hostile au général est votée par 18 voix contre 7. C’est ce que l’on appelle un cinglant revers. Mais, dommage collatéral, prenant acte de cette décision contraire à ses vœux, Yves Milon annonce immédiatement sa décision de démissionner. Les jours passent et le 27 juillet 1947, de Gaulle, interdit de Champ de Mars, trouvera refuge au lieu-dit de la Croix-Rouge, à l’angle de la route menant vers Saint-Brieuc et de celle de Vezin-le-coquet. Il y prononcera un véritable réquisitoire contre les « séparatistes », sous entendu les communistes.

Copie-écran de émancipateur Organe du Groupement Communiste Libertaire

 

Conférence de presse du général de Gaulle sur le RPF le 27 Avril 1947

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(1) Obtenir justice pour ces animaux

(2) La nouvelle donne politique à la Libération

(3) L’ILLE-ET-VILAINE, 1918-1958 – Chapitre 7 

(4) Le discours de de Gaulle, le 27 Juillet 1947

Source : Livre Yves Milon De la résistance à la Mairie de Rennes

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