Entretien avec Laurent Lacrouts de The Inspector Cluzo

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Alter1fo a eu l’opportunité d’interviewer Laurent, le guitariste-chanteur du groupe The Inspector Cluzo, peu avant leur entrée sur Scène le jeudi 8 mars dernier à l’UBU. Merci à Delphine d’avoir mis en place cet échange et à Yvo de l’avoir enregistré. Ce fut un chouette moment en compagnie de Laurent dont voici la retranscription :

Alter1fo : C’est un entretien pour le compte d’Alter1fo…
Laurent : Ouais, on vous connaît bien…

Alter1fo : Est-ce que tu peux nous faire en quelques mots une présentation de The Inspector Cluzo et nous dire d’où provient cette histoire de Fuck The Bass Player?
Laurent : Le groupe est composé de Matthieu Jourdain à la batterie et Laurent Lacrouts à la guitare et au chant, bibi quoi. On s’est rencontré en classe prépa à Mont-de-Marsan. On était l’échec de la classe. Ils sont tous devenus ingénieurs ou profs. Comme tu vois, on a vachement dévié.
On a très vite monté un groupe à géométrie variable avec des potes : les Wolfunkind. On ne savait pas vraiment jouer d’un instrument et les autres encore moins bien que nous ! Mais cette histoire a duré 10 ans quand même. À côté de ça, on a eu de vrais jobs, pas comme maintenant à ne rien branler en tant que musicien. J’ai bossé très longtemps dans les écoles primaires et Matthieu est quand même devenu ingénieur mais ça a duré un an. Il arrivait tout le temps en retard…
À la fin des Wolf, on a continué à bosser ensemble avec Matthieu. On a changé mille fois de bassistes. Ça nous a gavé d’où le Fuck The Bass Player. En fait on s’est rendu compte que les bassistes n’arrivaient pas à nous suivre et à se placer sur notre musique, ce qui est problématique pour un groupe de Funk… C’est par délire qu’on a décidé de continuer à deux, alors que des pisse-vinaigres disaient qu’on n’y arriverait jamais… Donc nous, têtes de cons bien sûr, on a voulu leur montrer… Merci à ces gens !

Alter1fo : Par esprit de contradiction…
Laurent : Oui, esprit de contradiction qui peut être breton, gascon, français quoi…

Alter1fo : Votre musique est une synthèse de genres bien différents, quels groupes vous ont influencés pour arriver à votre propre style ?
Laurent : C’est simple, tous les trucs bien ! On est des mélomanes. On n’est pas là à dire ça c’est nul, ça c’est un sous-genre. Les gens qui le font n’aiment pas vraiment la musique. Nous, on a essayé de digérer nos influences avec des groupes que l’on considère authentiques dans n’importe quel style : AC/DC est authentique, Led Zeppelin aussi. Muse, avec qui nous avons eu l’occasion de jouer, est authentique et d’une simplicité impressionnante.
Mais c’est vrai que depuis les années 2000, on a du mal à trouver une réelle authenticité chez les groupes… On préfère ceux des années 70, 80, 90.
On est bien sûr très fan de la funk, de Curtis Mayfield, de James Brown et de toutes les musiques américaines en général.
C’est aussi notre longue relation de 18 ans avec Mat qui fait que notre son sort comme ça et le fait de ne pas avoir de basse. On est obligé de tout repenser en permanence. On a changé notre façon de jouer, cherché des accordages spéciaux. On joue sans tricher.

Alter1fo : Ca veut dire que sur scène, vous faites tout vous-même, vous n’utilisez pas de machine etc ?
Laurent : Oui, on fait tout. On aime bien dynamiter les tempos, accélérer, changer, s’arrêter, jamer, repartir… C’est ça pour nous un vrai groupe de live…

Alter1fo : Vous utilisez pas mal l’humour dans vos textes…
Laurent : Pour certains c’est de l’humour, pour d’autres des insultes… Merci de voir ça comme de l’humour, c’est le but.

Alter1fo : J’imagine que ça vous vient naturellement, mais il y a aussi des revendications derrière tout ça ?
Laurent : On utilise l’humour pour dire les choses et parce c’est plus simple et compréhensible par les gens, je pense. On aime faire les faux lourds, faire du 43ème degré. On adore à la fin des concerts, que les gens viennent nous dire qu’on est des gros cons.

Alter1fo : C’est l’effet recherché…
Laurent : Oui et on en voit d’autres derrière complètement morts de rire face à ce genre de réactions. On se délecte à chaque fois…
Et puis on est des Landais pures souches… On est des joyeux lurons, très festifs, on aime foutre le bordel dans un cadre familier et familial sans ce que soit méchant.

Alter1fo : Vous faites pas mal de tournées à l’étranger pour un groupe français, comment expliques-tu cela, c’est un choix?
Laurent : C’est un choix implicite quand tu es français et que tu veux faire du rock… L’étranger met en perspective le niveau du rock français qui n’est pas très élevé, il faut se l’avouer… Pour eux le rock français, de manière générale, c’est de la pop. Pour nous depuis Noir Désir, il n’y a pas de vrais groupes de rock en France. C’était vraiment du rock avec un vrai ton français.
Mais heureusement qu’en France, il y a des gens motivés, comme Jean-Louis (ndlr : directeur des Trans) qui s’est intéressé à nous. Il y a eu un avant et un après-Trans pour nous… On était moins stressé quand on est venu jouer aux Trans car on avait fait plein de concerts auparavant. Si on était venu 2 ans plutôt, on aurait eu grave la pression.

Alter1fo : Pour revenir sur l’état du rock en France : pour toi, il n’y a pas de relève, personne ne se démarque…
Laurent : Des groupes qui jouent dans leurs garages, il y en a plein mais le système français de radios, de tourneurs en place n’est pas fait pour leur permettre de faire carrière. Ils ne pourront pas en vivre. Nous, on est parti à l’étranger car le rock y est accepté comme une vraie musique. On en revient un peu à la définition du rock : ce n’est pas fait pour les masses, ça reste contestataire, ça doit être fort. Sinon tu fais de la pop sans être péjoratif.

Alter1fo : Vous faites tout de A à Z selon le principe du 360 °. C’est quelque chose qui vous a été imposé ? Un choix pour rester indépendant face à l’industrie musicale ?
Laurent : Au départ, ça nous a été imposé. Mais le handicap est devenu une force. Le public est venu à nous. On s’est formé sur le tas aussi : maintenant on sait faire les contrats, les paies. On sait négocier. On a une bonne vision du milieu. On ne cherche pas de gros partenaires. Mais c’est aussi notre tendon d’Achille car on n’est pas exposé : on ne passera jamais au Grand Journal ou à Taratata alors que dans les autres pays, on a fait des émissions de musiques plus importantes encore. Notre mode de fonctionnement nous ferme des portes en France, mais nous en ouvre à l’étranger. Là-bas on passe pour un groupe authentiquement français. On ne vient ni de Paris, ni d’une grande maison de disque. Ils se demandent qui sont ces types en bérets qui rockent vraiment sur scène…
On a beaucoup d’offre de tourneurs, mais on choisit notre liberté, pour l’instant… Car c’est un projet de longue haleine…

Alter1fo : Vous êtes combien pour tout gérer ?
Laurent : Trois pour la gestion du groupe mais on a quand même des partenaires. Chris fait les BD. Stéphane Kraemer nous fait le son et mixe les albums. Une marque landaise nous fait les t-shirts. Une amie landaise productrice d’armagnac nous prête sa grange en fin d’année et on invite nos amis du milieu. On joue uniquement sur l’humain et nos valeurs.

Alter1fo : C’est vrai que le côté humain a tendance à se perdre dans ce milieu…
Laurent : Exactement mais il y en a heureusement, il faut les trouver. Pour nous c’est les Trans, les Eurock, des festivals avec de l’humain au cœur du fonctionnement…

Alter1fo : Vous ne jouerez donc pas dans des festivals appartenant de plus grosses boites comme Live Nation par exemple ?
Laurent : Pourquoi pas. On n’aime pas le principe de Live Nation qui, soyons clair, ne sont là que pour vendre des billets. Mais dans les sous-directions de chaque pays il y a des gens qui aiment vraiment la musique. En Hollande, c’est la Mojo, qui a été rachetée par Live Nation, qui nous suit. Le mec ne gagne pas de thunes avec nous, mais il nous suit quand même.

La différence entre Live Nation et certains tourneurs en France, c’est qu’ils ne cachent pas ce qu’ils font. Il y a eu une levée de boucliers contre l’arrivée de Live Nation France qui est assez hypocrite car certains gros tourneurs français font la même chose mais en pire en propageant l’idée qu’ils font de l’artistique mais en réalité beaucoup d’entre eux font du lobbying.…

Alter1fo : Le temps nous manque, peux-tu nous citer des groupes à aller écouter absolument ?
Laurent :
« Les boules en vracs » : ils font des lancés de saucisses pendant les concerts, c’est génial… Ce qui est bien c’est que dans notre coin, les groupes sont authentiques et ne sont pas cloisonnés ou formatés.

Alter1fo : Une dernière question, comment trouvez-vous le public rennais par rapport à ceux d’autres villes françaises ou étrangères ?
Laurent : c’est un public qui bouge, pas comme les Bordelais par exemple. On a fait 30 pays. Ça peut être compliqué à l’étranger. En Chine, là où on a joué, ils n’avaient jamais vu un blanc aux yeux bleus. Ils étaient choqués! En Serbie, c’était chaud. Ils te jettent des bouteilles de bières en verre à la gueule pour te tester. Tu sens encore la tension et la colère suite à la guerre. C’était dans un grand festival bien organisé. Tu ne te demandes même pas comment ça doit être dans un bar. Mais on ne s’est pas démonté. À la fin, ils nous ont félicités d’avoir tenu le coup, nous les petits Français.

Alter1fo : Merci pour ton temps !
Laurent : Merci à vous. À bientôt !

Interview réalisée par Lulla à l’Ubu le 8 mars 2012

Transcription par Lulla

2 commentaires sur “Entretien avec Laurent Lacrouts de The Inspector Cluzo

  1. Nono

    leur prestation au pont du rock en 2010 était super !

  2. Forget

    chapeau les fautes de français et d’orthographe pour un sois disant journaleux……..

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