Embellies 2014 – Rencontre avec Gaëlle Evellin pour l’expo Squares

Mat Bastard copyright Gaëlle EvellinGaëlle Evellin, pour peu que vous suiviez un tant soit peu les concerts et festivals rennais, vous l’avez sûrement croisée avec son appareil photo à plusieurs reprises. A Alter1fo, elle nous donne parfois des coups de main, pour l’Echo du Oan’s notamment, mais aussi en dépannage au pied levé. Les Embellies ont décidé de lui donner carte blanche pour réaliser une exposition photo dans le cadre du festival. Squares, visible depuis le 25 février et jusqu’au 20 mars à la bibliothèque Lucien Rose dans le parc du Thabor, mélange photographies de scène et portraits de musiciens juste avant ou après le concert. Leur format commun, carré, vous saute immédiatement au visage… D’où Squares, justement. Rencontre avec une passionnée, de carrés peut-être, mais surtout de photo et d’émotions à capter.

Alter1fo : On te croise quasiment depuis 5 ans à pas mal de concerts à Rennes et ailleurs. On a envie de revenir à tes débuts : comment en es-tu arrivée là. Qu’est ce qui t’a donné envie de faire de la photographie et de la photographie de concert en particulier ?

Gaëlle Evellin : En fait, la photographie de concert s’est un peu imposée à moi. J’étais bénévole à l’Antipode MJC. A l’époque il y avait un poste « blog » où l’on devait écrire un article et prendre des photos. C’était sur le concert de Parenthetical Girl et Deerhoof en décembre 2008. L’Antipode m’a alors prêté un bridge pour faire quelque photos, et dès le début je me suis mise à toucher à tous les boutons, à essayer différents réglages. J’ai pris quelques clichés… Et qu’est ce que j’ai adoré faire ça ! Quinze jours plus tard, j’ai acheté mon premier appareil. Et à partir de là, je suis allée faire des photos dans des bars, des concerts gratuits où il ne demandait pas d’accréditations. Pour moi, il n’y avait que la photographie de concert qui comptait. En même temps à l’époque c’était plus une passion qu’une vocation. On va dire que j’essayais de joindre mes deux passions : la musique et la photographie.

Tu expliquais en interview il y a quelques jours à TVR, que tu envisageais d’abord la prise de vue en concert comme une photo de portrait plutôt qu’une photo de concert « classique » , pour laquelle le photographe cherche davantage la pose inhabituelle. Est-ce que tu peux nous expliquer cela davantage ?

Généralement, un photographe de concert va aller chercher une photo où il y aura de l’action, un saut, un mouvement. Relater l’information par le mouvement, l’énergie : c’est ce que fait le plus souvent un photographe de concert. Moi même parfois je le fais. Mais de plus en plus j’essaye de capter plus d’émotion que d’énergie. Un portrait posé dégage une émotion, on prend le temps de faire poser le modèle, de lui donner une expression. Mais en concert, l’émotion on l’entend plus qu’on ne la voit… Je vais essayer de la voir cette émotion et de l’immortaliser.

Macabees copyright Gaëlle EvellinLes Embellies t’ont proposé de réaliser une expo dans le cadre du festival et cela jusqu’au 20 mars à la Bibliothèque Lucien Rose. Comment sont-ils venus te contacter ? Vous aviez déjà travaillé ensemble auparavant ?

Stéphanie (la programmatrice du festival) et moi, nous nous étions déjà croisées a plusieurs reprise sur des concerts à l’Antipode et également aux éditions précédentes des Embellies. Je prenais des photos pour moi. En septembre j’ai reçu un mail de Stéphanie me demandant si j’étais intéressée pour faire une exposition pour les Embellies. Je me suis dit « autant demander à un aveugle s’il veut voir », j’étais hyper heureuse. Les Embellies est un festival que j’apprécie énormément, chaque année la programmation est excellente. Aujourd’hui me retrouver dans le programme à côté d’artistes musicaux que j’affectionne comme Chris Garneau ou Sarah W. Papsun est une superbe reconnaissance! Même si nous n’avons pas le même domaine de compétence !

Tu avais déjà réalisé d’autres expositions auparavant, pour Urbaines et pour I’m From Rennes. En quoi cette nouvelle exposition diffère des précédentes ?

Pour mon exposition à Urbaines qui était ma toute première exposition, l’Antipode m’a beaucoup aidée. Ça allait du choix des photos au choix de l’imprimeur et des dimensions, mais aussi de la mise en place des photos.

Pour celle d’ I’m From Rennes, j’avais une contrainte. Il fallait que j’expose uniquement des groupes rennais. Ça a été du gros boulot car sur 4 ans de photos, il fallait que je retrouve toutes les soirées que j’avais faites… et disons que je n’en ai pas fait qu’une seule par mois! Mais par conséquent, j’étais un peu bridée sur le choix des photos. J’avais des super clichés que j’aurai voulu exposer à ce moment-là mais ce n’était pas des artistes rennais. L’exposition était dans un bar, le Oan’s pub, donc ce n’était pas un lieu dédié à une exposition. Mais j’étais et je suis toujours heureuse d’avoir exposé dans ce lieu que je fréquente à chaque fois que je sors de chez moi! On peut toujours voir quatre ou cinq photos accrochées là-bas d’ailleurs.

Piers Faccini copyright Gaëlle EvellinTandis que l’exposition SQUARES est ma véritable première exposition, où l’on me laisse me débrouiller toute seule et sans contraintes! Cela a été très dur de faire un choix parmi toutes mes photos, mais je suis vraiment très contente du résultat. Même s’il y deux trois choses que j’aurais aimé modifier après accrochage : il aurait fallu que j’imprime deux ou trois autres photos et sans doute, en mettre le même nombre, imprimées dans un plus grand format. Les murs de la bibliothèque sont vraiment immenses et malgré les grandes impressions (du 60x60cm, ce qui est du très beau format), le mur écrase un peu le tout et rend mes photos plus petites. Mais bon… j’apprends encore!

Tu as choisi le format carré pour cette expo (et il me semble pour tes photos en général depuis quelques temps déjà), d’où le titre de l’expo Squares. Pourquoi ce format ? Qu’est-ce que tu souhaites mettre en avant avec Squares ?

J’aimerais apporter une réponse hyper classe à cette question, mais non… (Rires) En fait, je possède un Tumblr comme site internet. A l’époque où j’ai commencé à faire du carré, mon Tumblr présentait deux colonnes de photos et je mélangeais les deux formats de photos basiques (format portrait [vertical] et format paysage [horizontal]). Mais du coup il n’y avait aucune symétrie entre les deux colonnes et je ne trouvais pas ça vraiment esthétique. J’ai posté une fois deux photos carrées à la suite dont l’une avait été prise avec un moyen format argentique (format carré de base), et je me suis rendue compte de la symétrie. J’ai donc commencé à travailler le carré et à en poster plus régulièrement. Au fur et à mesure le format carré s’est imposé. Aujourd’hui c’est un format que j’affectionne, je ne saurais dire réellement pourquoi, sans doute car il permet une mise en valeur du sujet plus importante.

En plus des prises de vue faites en live, tu fais également beaucoup de portraits de musiciens hors de scène. Pourquoi? Qu’est-ce qui t’intéresse dans ces moments à côté ?

La réponse est dans la question, c’est justement parce que ce sont des moment à côté que ça m’intéresse. J’aime savoir si j’arriverais à sortir de l’émotion dans le portrait hors scène comme dans les portraits de scènes. Parfois ça ne marche pas. Je me rappelle une séance avec Rover il y a un an, où j’ai passé 15 minutes avec lui sans réussir à capter quelque chose. J’étais un peu démoralisée après… Mais je ne désespère pas, si l’occasion se représente, je n’hésiterai pas à réessayer!

Le portrait hors scène me permet également de sortir de ma bulle des photos de concert. J’adore faire des photos de concerts, mais c’est vrai que parfois le changement fait du bien.

Girls In Hawaii copyright Gaëlle EvellinPeux-tu nous présenter ta photographie préférée parmi celles que tu exposes à la bibliothèque Lucien Rose. Et nous expliquer pourquoi celle-ci te touche particulièrement ?

Je n’en ai pas une… Mais deux photos préférées.

Allons-y !

La première est le portrait de Girls In Hawaii à l’Antipode. Girls In Hawaii, j’en suis archi fan, je crois même que j’ai pleuré quand j’ai vu qu’ils passaient à Rennes. Pendant plusieurs mois je me suis dit :  « Je veux un portrait d’eux ». Je n’ai pas fait de demande en amont alors je suis arrivée à l’Antipode en début d’après-midi bien avant les balances. A partir de là, j’ai juste été voir leur régisseur pour me présenter et demander s’il était possible de faire un portrait. Il n’y avait aucun problème. J’ai dû le faire de nuit juste avant de manger et j’avais pour seule lumière un vieux spot halogène jaune pas beau, je n’étais pas gâtée… Après avoir pris la photo, j’étais très mitigée dans ma tête : d’un côté, je venais de prendre un de mes groupes préféré en portrait et de l’autre je pensais l’avoir complètement raté. Après le concert, je rentre et me mets à retoucher la photo… J’’ai dû passer peut-être 2 ou 3 heures dessus. Je voulais la rendre quasi parfaite. Et au final j’ai réussi à avoir un résultat qui dépassait mes espérances. La lumière était en faite juste parfaite pour un portrait ! Je ne cache pas que je suis très fière de cette photo. (rires)

La deuxième est celle de Fauve. Contrairement à d’autre photographes, je trouve que prendre Fauve en photo est un très bon exercice pour les photos de live. C’est à leur concert que je sors la plupart du temps mes meilleures photos. Celle dans SQUARES est une photo du batteur. J’étais sur scène, tout au fond derrière des pendillons blanc légèrement transparents. La seule lumière est un vidéo projecteur qui arrive sur le batteur, on voit alors sa silhouette à l’intérieur de son ombre. C’est une photo très déroutante car on ne sait pas vraiment d’où elle a été prise. C’est une des raisons pour laquelle elle fait partie de mes préférées.

Piano Chat copyright Gaëlle EvellinOn connaît tes photos par ici depuis un bon moment déjà. Et je dirais même on reconnaît tes photos par ici depuis un bon moment, grâce à ton style particulier. Pourtant, en regardant tes plus anciens clichés, j’ai l’impression qu’il y a une évolution au fil des années. Tu as l’impression pour ta part d’une évolution dans ton travail ?

Complètement! Aujourd’hui, je vais vers un rendu vraiment plus naturel. Je rigole beaucoup quand je retrouve mes premiers clichés! Mais c’est normal, on apprend au fur et à mesure que l’on travaille. Je suis sûre que j’apprends toujours aujourd’hui, en regardant des photographes sur internet ou en essayant des réglages diffèrents sur mon ordinateur.

Qu’est-ce qui t’influence justement ? Des photographes ? La musique ?

Il y a un photographe qui m’influence énormément, c’est un photographe rennais, Richard Dumas. Il ne prend que des portraits d’artistes (acteurs, musiciens…) au format carré. Ces photos pour moi sont une véritable inspiration. Il m’arrive parfois d’être les coudes sur le bureau, la tête dans les mains à admirer ses photos pendant des heures. Ses clichés sont remplis d’émotions, c’est vraiment magnifique. Je ne l’ai jamais rencontré, mais j’aimerais vraiment. Un jour peut être!

En ce qui concerne la musique, ça ne m’influence pas, du moins pas volontairement en tout cas. Je suis quelqu’un qui adore la musique (comme beaucoup de gens), j’ai juste du mal à décrocher d’un groupe que j’apprécie. Si je découvre un groupe que j’aime beaucoup, je vais l’écouter en boucle pendant quelques jours puis passer à autre chose ou revenir à un ancien groupe que j’ai déjà écouté en boucle. J’ai du mal à sortir de ma bulle musicale.

Tu as fait pas mal de rencontres pour prendre tes photos. Peux-tu revenir sur certaines qui t’ont marquée, que ce soit artistiquement, bien sûr, mais aussi humainement ?

Sans hésiter ce serait Dionysos et Fauve.

Dionysos, ça a commencé par un gros hasard. C’était pendant les Bars En Trans 2010, il y avait un projet du batteur et d’un des guitariste de Dionysos qui jouait lors de cette édition (Corleone). Je me rappelle que j’aurais vraiment aimé discuter avec eux ce soir-là. Lors de l’after du festival, je passe à côté d’un très bon ami à moi (Charles Mouloud, de Rue89) qui discutait avec Rico Serra Tosio (le batteur), Charles m’a alors attrapé le bras, m’a présenté à Rico en faisant mon éloge pendant une bonne dizaine de minutes ! Depuis je suis restée en contact avec Rico. Cela m’a permis de rencontrer toute l’équipe de Dionysos lors de leur dernière tournée, et également de pouvoir les suivre sur 3 dates. C’était vraiment une expérience incroyable et surtout inédite pour moi : voir comment se passe un tournée vue de l’intérieur. J’ai vraiment adoré et je pense que je recommencerais sans hésiter !

Fauve copyright Gaëlle EvellinFauve, c’est comme je l’ai dit avant, un groupe que j’aime prendre en photo. Mais ce sont aussi des gens que j’apprécie beaucoup. Je les ai rencontrés à Mythos l’an passé. J’étais allée les voir en après-midi pour leur demander un portrait sans savoir qu’ils n’étaient pas à l’aise avec les appareils photos et qu’ils ne voulaient pas être reconnaissable sur les photos… Ce qui rend donc difficile les prises de portrait surtout en plein jour ! Ils m’ont alors proposé de monter sur scène derrière les pendillons pendant le concert. J’ai ensuite discuté avec eux pendant 1h30 en prenant un apéro au soleil. C’était un moment hyper agréable, rempli de simplicité. J’ai pris les photos de leur concert et j’en ai sorti mes meilleures photos de concert. Le fait de devoir faire des photos où ils ne sont pas reconnaissables t’oblige vraiment à faire des photos artistiques et pas informatives. J’ai été les revoir à Laval au 6PAR4 plus de 6 mois après, ils m’ont reconnue et m’ont fait un accueil des plus chaleureux. Je les ai photographiés a plusieurs reprises, et dernièrement à Rennes où il m’ont dit qu’ils me considéraient comme « la meilleur photographe de Fauve » ! Ça fait vraiment plaisir de voir que son boulot est reconnu et vu par les groupes que l’on apprécie.

Tu participes à un paquet de projets par ici et ailleurs. On pense par exemple aux oreilles de Jankev, aux Echos du Oan’s, ici bien sûr. Quels sont tes projets, tes envies pour la suite ?

J’ai un projet en cours de création depuis un petit moment, ça s’appellera Few Days With. C’est parti de mon reportage avec Dionysos. Je trouvais que les photos ne méritaient pas de finir juste sur Facebook. Et j’ai tellement adoré passer trois jours avec eux que j’ai décidé d’en faire un projet et de passer quelques jours avec d’autre artistes et de montrer les à côté des concerts. Le site web est en construction, il ne devrait pas tarder à sortir. Pour l’instant, en plus de Dionysos, j’ai pu suivre Juveniles un après midi au festival de Beauregard ainsi que Success pendant deux jours sur leur dernière tournée. Pour l’instant, c’est ça. Et bien sûr, je continue à traîner dans les concerts des alentours !

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Les Embellies présentent l’exposition photographique Squares de Gaëlle Evellin du 25 février au 20 mars à la Bibliothèque Lucien Rose (Rennes).

Horaires : mardi et vendredi 14H30/18H30 ; mercredi et samedi 10H00/12H30 et 14H30/18H30 – Entrée Libre.

Site de Gaëlle Evellin : http://gaelleevellinphotographe.tumblr.com/

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