Embellies 2013 – Françoiz Breut, Mesparrow, Piano Chat et BRNS comblent l’Antipode

2013-03-Embellies-Mesparrow-alter1fo 5Pour sa première soirée de la programmation à l’Antipode, les Embellies ont particulièrement réussi leur pari avec une date éclectique qui a su rassembler un public venu en nombre à l’Antipode. Et qui surtout, a tenu toutes ses promesses.

Amateurs de découvertes, fans de pop éclatée, de chansons à la fois bricolées et ciselées, de performances scéniques diablement excitantes ou d’énergie débridée : tous sont sortis comblés si on en croit l’enthousiasme affiché (curieusement pas pour les mêmes concerts ! ) par le public à la sortie de la soirée. A défaut d’un printemps qui tarde à arriver, on aura au moins pu compter sur le festival pour embellir la soirée. Compte-rendu.

2013-03-Embellies-Piano_Chat-alter1fo 3Piano Chat

L’Antipode est déjà sacrément rempli lors de l’arrivée de Piano Chat sur la scène [à retrouver bientôt en interview sur alter1fo]. Le musicien tourangeau n’est pas un inconnu du public rennais puisqu’on a pu le rencontrer aux Bars en Trans en 2011 (interview ici) et aux Tombées de la Nuit l’an dernier où le garçon avait littéralement assis tout le monde. Ça s’entend d’ailleurs dans les nombreux échanges du musicien avec la salle puisqu’à plusieurs reprises, Piano Chat revient sur cette dernière date qui semble l’avoir particulièrement ému. Et le public avec lui.

Le musicien a déjà donné un concert dans la rue l’après-midi même (à regarder ici) et fait pourtant preuve d’une énergie endiablée et débridée dès le début du set.

Il faut dire que de l’énergie, il en faut quand on fait tout tout seul sur scène armé d’une guitare électrique, d’une caisse claire, d’un tom basse et d’une cymbale (pour l’essentiel), et puis aussi, surtout d’une pédale de boucles. On aime ces titres qui jonglent avec les structures et qui, bien que joués par un seul homme, n’en deviennent pas pour autant simplistes et prennent au contraire mille directions bien souvent passionnantes. On pourrait dire homme-orchestre, mais la formule éculée et son corollaire (trop) hâtif (de l’énergie mais des morceaux foutoirs, performance live époustouflante / inécoutable sur disque) ne nous semble pas vraiment correspondre au bonhomme.

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Car sous ses airs brouillons et ses sonorités brouillées, Piano Chat livre des morceaux au lyrisme parfois fragile, parfois abrasif, mais bien souvent envoûtants. Et surtout fait preuve d’un véritable talent de mélodiste. Le morceau Nous y perdrons un peu issu de son dernier ep, sorti sur le Thoré Single Club en  novembre dernier, est à ce titre une véritable perle.

Après des riffs à la guitare qui s’entremêlent progressivement et deviennent rapidement addictifs, un premier chœur à plusieurs voix à la Animal Collective ouvre le titre sur une piste à suivre la main sur la bouche comme des Indiens, pour bifurquer sur un couplet particulièrement émouvant, martelé sur un tom de batterie « nous essaierons de rendre nos vies utiles / Nous essaierons de faire au mieux » jusqu’à un emballement total de cris, cymbales, percussions et guitares entremêlées. Car le garçon donne sans compter et promet la bamboule ( « cette fête qui vient de Tours » ) quitte, au passage, à faire tomber son pied de micro de scène ou à débrancher involontairement sa guitare en bondissant de scène pour plonger au milieu du public.

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Le musicien aime en effet les allers-retours de la scène à la salle, le contact, la proximité, le lien créé avec les spectateurs. Alors bien sûr, il est tôt et le public des Embellies reste plutôt calme, mais un vrai lien se noue le temps du set. Aussi quand le jeune homme descend une dernière fois du plateau pour venir jouer au milieu de la salle et demande à chacun de s’asseoir, le public, conscient de l’engagement du garçon, s’exécute immédiatement. S’ensuit un moment particulièrement magique où le musicien, muni d’un drôle d’instrument à soufflet, à genoux devant les spectateurs livre une version dépouillée et bigrement émouvante de Nous irons nous promener. Progressivement le public chante en chœur pour un final entre sourires, frissons et rires partagés. Magique.

[vous pouvez voir un extrait vidéo de ce final chez nos copains de Pop is on Fire là]

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Françoiz Breut

Françoiz Breut [à retrouver en interview sur Pop is On Fire], en robe courte, fleurie d’une rose (?), les cheveux relevés, est au centre de la scène, derrière une petite console recouverte d’un drap noir décoré de perles, sur laquelle petit clavier et maracas colorées se côtoient. Sur sa droite, un tom de caisse claire, et surtout Stéphane Daubersy à la guitare. Sur sa gauche, un claviériste cravaté aux cheveux rebelles et derrière eux, tout aussi élégant (en costume mais sans cravate), un batteur qui alterne entre mailloches, baguettes ou balais.

Après une entrée en scène ponctuée d’un  « bonsoir Rennais et Reinettes » , Françoiz Breut entame son set par notre morceau préféré de son dernier album en date (La Chirurgie des Sentiments, octobre 2012) Bxl Bleuette.

Comptine qui parle de racines qui s’ancrent sur des pavés détrempés, de ville aux ciels de perle grise (tout parallèle avec les reinettes qui s’épanouissent sous le ciel breton serait fortuit), où les beaux jours finissent toujours par arriver, le morceau nous plonge immédiatement dans l’univers de Françoiz Breut : des textes ciselés, des mélodies bien souvent obsédantes, des arrangements subtils et malins qui naviguent entre ritournelle, bossa nova, guitare sautillante et légers arrangements électroniques. Et puis surtout cette voix. Toujours parfaitement placée. A la fois grave et chaude. A la fois familière et émouvante.

La femme sans histoire, complètement réorchestrée, prend un virage plus rythmé, sur lequel Françoiz Breut se saisit de ses maracas colorés. La musicienne danse avec une ineffable classe sur un final « il n’y a plus rien en moi à détruire » encore plus électrique. Les jeunes pousses et leur cavalcade effrénée enchainent dans une chevauchée rythmique, où Françoiz accompagne ses compagnons de scène en martelant sa caisse claire de ses balais. La lumière ne fait peut-être que passer, mais Françoiz, solaire, capte tous les regards. D’autant que dès qu’elle se met à chanter, son corps commence aussitôt à danser comme si le rythme l’habitait. Le tempo ralentit sur Marie-Lise ( « bretonne peut-être » ) et ses astres vacillants.

2013-03-Embellies-Francoiz_breut-alter1fo-009L’ambiance devient plus sombre et lourde le temps du très réussi « Le don d’ubiquité » , juste avant que Françoiz Breut, comme Piano Chat, saute à son tour dans le public. Elle se fraie un chemin entre les corps serrés à la recherche de « loups » afin d’introduire la reprise de Michael Hurley Werewolf (que nous ne connaissions jusque là pour notre part que par la version de Cat Power). A défaut de trouver Julia Lanoé hurlant au fond de la salle, Françoiz Breut commence à chanter a capella des derniers rangs avant de remonter avec ses comparses pour nous délivrer une très jolie interprétation du titre de l’Américain.

Un Si tu disais en « mode micro-ondes » particulièrement enlevé plus tard, Françoiz Breut, facétieuse et accessible, revient de nouveau au milieu du public pour un morceau à deux voix, seule avec Stéphane Daubersy à la guitare acoustique. On mesure  notre incroyable chance : Françoiz, débordante de classe, juste en face de nous, Stéphane Daubersy à moins d’un mètre.  Le contrepoint de leurs deux voix sur de délicates notes à la guitare, des sourires échangés (par le duo, avec le public autour) ou ce passage plus aigu totalement a capella chanté par Françoiz les mains jointes et dansantes, font de La Vie devant soi un moment de grâce suspendu. Sublime.

Le titre se finit plus orchestré avec toute la formation avant d’enchaîner en italien sur un Ultimo alerte et dépaysant. Le groupe demande ensuite la participation du public pour l’accompagner en claquements de doigts sur un Michka Soka dansant et sautillant sur lequel Françoiz danse de plus belle. La Chirurgie des Sentiments clôt alors le set sur l’impression que Françoiz Breut a définitivement la classe chevillée au corps.

A noter : durant toute la soirée, l’Antipode a eu la bonne idée de laisser l’exposition de l’artiste (qui est aussi illustratrice) accessible au public. Nombreux sont ceux qui se sont révélés conquis par ces drôles de Books In boxes (à voir encore jusqu’au 13 avril), accrochés aux murs. A voir !

2013-03-Embellies-Mesparrow-alter1fo 7Mesparrow

Cette soirée au chouette éclectisme voit ensuite Mesparrow [à retrouver en interview sur alter1fo ici], une autre Tourangelle en solo monter sur la scène de l’Antipode. Avec son premier album Keep this moment alive, tout juste sorti, accompagnée de Thomas Poli et Peter Deimel à la réalisation, Marion Gaume a su surprendre et souvent envoûter. Architecte vocale, Mesparrow construit ses chansons autour de sa voix, à la fois grave et voilée, à la fois puissante et fragile. Une voix qu’elle sample et boucle. Une voix dont les accents, parfois, au détour d’un couplet, vous tortillent les tripes. En treize titres, dont un duo particulièrement réussi avec Frànçois (sans ses Atlas Mountain) en français, Danse avec moi, la musicienne parvient à imposer un album à la fois étonnamment varié et cohérent. Des compositions et des univers millefeuilles, qui mélangent mélancolie, inventivité et joie radieuse sans effort apparent. Autant dire que sa prestation était donc particulièrement attendue.

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Mesparrow travaillant désormais avec un ingé lumière (Luis Ferreira) qui joue sur les reflets et les ombres, le sol du plateau a été recouvert d’une surface réfléchissante noire et brillante. Au fond de la scène, de grands voiles de tulle blanc au centre desquels des sortes de fibres optiques s’illuminent parfois, plongeant la scène dans des ambiances tour à tour blanches, bleutées ou violettes. Les mêmes bouquets de tiges lumineux éclairent un sampler monté sur pied sur la gauche, ou un drap noir qui dissimule un clavier sur la droite. L’aspect visuel de la performance (la miss vient des arts plastiques) a été pensé dans les moindres détails (même les pieds de micro sont classes !) et on est plutôt épaté par le chouette résultat obtenu sans débauche de moyens.

2013-03-Embellies-Mesparrow-alter1fo 2Sur scène, Marion, cheveux courts et robe noire, s’approche de sa MPC pour lancer sa chorale de boucles. Sa voix grave et voilée impose immédiatement le silence dans la salle. Devant nous cependant, nos voisines dialoguent, nous plongeant quelques secondes dans un abîme de perplexité : « ça ressemble à Camille, non ? » « oui, mais Camille, c’est naturel, alors qu’elle, c’est SURnaturel. » On n’en comprendra pas plus, rattrapé qu’on est par les accents émouvants de The Symphony, sur un virage mélodique qui prend aux tripes.

Autour de nous, la salle semble happée par la performance et retenir son souffle. Alors bien sûr, le genre peut ou non plaire, mais force est de reconnaître que la jeune femme livre une performance impressionnante et que sa maîtrise vocale impose le respect. Sa voix fatiguée lorsqu’elle parle entre les titres (attendant d’ailleurs son copain Piano Chat qui a promis  au public de venir sur scène costumé en hot dog pendant le set), chuchote, crie, souffle et s’élève, profonde, dès qu’elle commence à chanter.

Tout comme l’aspect visuel, la scénographie et le déroulement du concert ont été particulièrement réfléchi. En solo, seule avec un sampler et sa voix, il faut réussir à faire varier son set et à lui ménager du relief. Marion commence donc au sampler, debout au centre de la scène, puis s’assoit au clavier pour quelques titres réussis accompagnés seulement au piano. Parfois rehaussés par une trompette en sourdine que Marion fait entendre par la simple utilisation de ses cordes vocales. Impressionnant.

Nouveau changement quand elle attrape un pied de micro dissimulé derrière le tulle pour une reprise endiablée et surprenante de My heart belongs to daddy sur le devant de la scène. Des couplets au refrain, la jeune femme se métamorphose et emballe le public en quelques mesures.

On est particulièrement touché par ce mélange étonnant de retenue, de timidité et d’exubérance dont fait preuve la musicienne de bout en bout du set. La reprise épurée de Stand by Me finit de convaincre la salle (s’il en était besoin !) et l’ovation qui accompagne Mesparrow à sa sortie de scène est belle à voir.

2013-03-Embellies-BRNS-alter1fo 5BRNS

Ce sont ensuite les Belges de BRNS (prononcez Brains) [à retrouver très bientôt en interview chez nos copains de DLF] qui prennent une nouvelle fois possession de la scène de l’Antipode.

Une nouvelle fois, parce que les Bruxellois étaient déjà venus jouer ici en octobre dernier, nous laissant déjà, une impression plus que favorable.

Certes, leur premier essai Wounded (long maxi de 7 titres ou mini album ?) a prouvé que les quatre garçons ont un véritable don pour les morceaux catchy qui vous attrapent l’oreille et la secouent dans une multitude de directions. Mais c’est également leur puissance scénique qui nous avait renversés.

On repère de nouveau très vite les deux fondateurs du groupe dès leur entrée sur scène : Timothée Philippe, t-shirt blanc, cheveux plus longs et barbe courte derrière les fûts sur la droite qui assure également le chant lead le plus souvent et surtout avec talent, et juste à sa gauche, Antoine Meersseman, aux claviers ou à la basse qui chante également. Sur leur gauche : Diego Leyder, mèche sur le côté et petites lunettes de métal, à la guitare et aux chœurs, ainsi que César Laloux, aux percussions, claviers, chœurs, clochettes colorées et on en passe

2013-03-Embellies-BRNS-alter1fo 3Le set commence plus durement que la dernière fois avec des arrangements plus bruitistes qui râclent bien profond : pédales qui triturent la guitare d’effets, cordes grattées, stridences qui répondent aux accords plaqués sur le clavier.

BRNS préfère les aspérités lo-fi et l’énergie organique à la pop lisse. Des petits arrangements, de ci, de là, des sursauts rythmiques inattendus et surtout un batteur aussi charismatique qu’impitoyable qui insuffle une énergie atomique aux morceaux à coups de roulements et de grosse caisse massive : voilà la pop des Belges éclatée à grands coups de tom basse martelé. On en prend plein les oreilles.

La partie la moins noisy du public du festival quitte la salle sur la pointe des pieds tandis que les autres se laissent gagner par la fulminance haute tension du quatuor.

2013-03-Embellies-BRNS-alter1fo 9Pourtant, après une première partie rêche, et cela, sans rien perdre de son énergie débridée, le groupe se fait plus mélodique sur la fin du set. Ou plus exactement ne dissimule plus ses mille-feuilles sonores à la Animal Collective sous des stridulations électriques flirtant avec de légères dissonances.

On y gagne une perception des arrangements affinée, ce qui n’est pas non plus pour nous déplaire. Parce que les BRNS ont dans leur besace pop plein de petites trouvailles sonores, de bidouille intelligente et de débrouillardise indie : leurs morceaux sont arrangés avec ces petites touches qui font la différence : des cloches à point nommé, de petites notes aigues à la guitare, un ajout de percussions… On sourit un peu sur Deathbed car on croit à nouveau entendre Coldplay le temps de quelques mesures, I love you so, i love you soo… Quant au tube Mexico, il se révèle une nouvelle fois imparable en live et les premiers rangs s’agitent encore davantage. 

Si vous ajoutez à cela ces rythmiques un peu tribales, ces ruptures inventives ou à ces chœurs chantés à gorge déployée par les quatre garçons, vous aurez une petite idée de la vague belge qui a submergé l’Antipode pour finir la soirée avec brio.

Photos : Caro

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