Des nourritures rockandrollesques pour une rentrée littéraire !

La rentrée est sans aucun doute le moment le plus pathétique de l’année. A l’heure de retrouver nos doux foyers sécurisés(voir « Safe European Home » du Clash), il faut en plus se replonger dans les affres d’une aliénation laborieuse. Pour se remettre dans le bain, au sens figuré, vous l’aurez compris, autant attaquer par deux romans noirs qui exploitent précisément le sillon délicat du sens de la vie.

Cavale
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« Cavale Blanche » de Stéphane Le Carre

Si « Cavale Blanche » est le premier roman de Stéphane Le Carre, celui ci n’est pas pour autant un inconnu de nos services. J’avais donc eu l’occasion de le féliciter pour son prix lors de l’édition 2011 du concours de nouvelles rock organisé par l’association « Café Castor ». Depuis, la fièvre de l’écriture l’a envahi, et hormis ce « Long Play », il a pu signer 2 autres « Short Play » sur les ouvrages collectifs de Jean-Noël Levavasseur consacrés à « La Souris Déglinguée » et aux Doors.

L’action ou plutôt la non-action se déroule principalement sur ce qui doit être l’ile Nevez prés de la pointe de Trévignon. Le narrateur, Daniel est en fuite sur ce bout de cailloux perdu au milieu de l’océan. Il se terre sur ce bout de roche, et il va faire le point sur sa vie, sur les derniers événements qui l’ont conduit là. Au fil des pages, on déroule le fil de sa vie. L’amour et l’amitié s’y croisent mais pas pour le meilleur. Quand le passé resurgit, le professeur désabusé va se retrouver presque malgré lui dans un tourbillon qui l’emmènera bien loin de la sage rentrée scolaire à laquelle il était destiné.

L’écriture comporte deux moments distincts. L’un, introspectif, lent presque poétique avec Dan(iel) sur l’ile, face à lui même et à la furie des éléments. L’autre, rétrospectif est vif, sec voire tranchant comme ces morceaux qui ponctuent le récit (« I Fought The Law (And I Won)» version Dead Kennedys, ou « The Serenade Is Dead » des Conflicts pour n’en citer que quelques-uns). L’auteur joue continuellement entre ses 2 états qui donne le corps au récit. On peut aussi signaler que Stéphane Le Carre se fend de très jolies pages sur la mer et sur la Bretagne. Nous les résidents permanents nous avons un peu trop tendance à oublier la beauté de ce qui nous entoure.

Ce premier roman bi-colore est une vraie réussite. Bleu comme la superbe couverture de l’Ile Verte (Nevez) et noir comme les tréfonds des âmes des trépassés. Et puis un livre qui se conclut sur le « Frères d’armes » des Bérurier Noir ne peut pas être foncièrement mauvais.

« Vous savez ce que ça m’rappelle, Lieutenant ?
La bataille de Pigstown .. Chaude affaire
Huit jours à patauger dans l’sang des camarades. »

Jean-Luc Manet Stéphane Le Carre
« Stéphane Le Carre et Jean-Luc Manet »

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« Haine 7 » de Jean-Luc Manet

Haine

Ma deuxième sélection serait un « Extended Play » si on veut rester dans un registre vinylique ou bien plus simplement un roman court, ou une nouvelle longue. Jean-Luc Manet est un auteur aguerri. Si nous l’avons connu dans un registre purement rock en tant que critique musical chez Best, Nineteen ou les Inrocks, il se consacre désormais plus particulièrement à la fiction, même si elle reste d’obédience Rock, voir Punk. « Haine 7 » n’est pas son premier forfait. Il avait en 2005 publié un autre roman rock et noir, « Terminus, plage de Boisvinet ». Cet ouvrage est depuis épuisé, mais il vient d’être édité numériquement chez un autre ténor de la littérature rock, François Bon, aux éditions publie.net

« Haine 7 » n’est pas plus rose que la « Cavale Blanche ». Le roman tourne autour de 3 personnages que la grande faucheuse va rapprocher. Tout débute le long de la Nationale 7 sur laquelle Estelle, jeune mère de famille en perdition vient de perdre son 3ème enfant renversé par un 33 tonnes. Elle disjoncte et met les voiles vers la capitale. Un « rock-critic » fatigué et désabusé (Jean-Luc Manet ?? ) qui passait par là, la recueille un peu forcé. Entre temps un meurtre a été commis et la flicaille est à la recherche de la pauvre mère. Le fonctionnaire est laborieux, on sait qu’il finira par la retrouver et l’angoisse monte en attendant l’inévitable confrontation finale.

L’écriture de Jean-Luc Manet sonne. Il fait chanter les mots, joue avec le rythme des phrases comme le ferait un musicien. C’est peut être pour cela qu’il nous gratifie de ces merveilleux romans courts. Parfait pour les lire et les relire à voix haute. C’est juste dommage que ce soit si noir, sinon cela aurait été parfait pour les lire aux enfants le soir. Pour ne rien gâter, le livre est un superbe objet. La couverture signée Emmanuel Gross est magnifique et le récit est entrecoupé d’une dizaine d’autres dessins qui rendent la lecture encore plus plaisante.

A oui, j’allais oublier, mais un livre qui arrive à citer « Haine Brigade » un des premiers groupes Anarcho-Punk Français, ne peut pas être foncièrement mauvais..

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Cavale Blanche – Stéphane Le Carre – Editions Kirographaires, Juin 2012
Haine 7 – Jean-Luc Manet – Editions Antidata, 2012
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Liens
La page facebook de Stéphane Le Carre
Les éditions Kirographaires
Le blog des éditions Antidata
Le site d’édition numérique de François Bon : publie.net
Le magazine/fanzine Nineteen
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