Deportivo à l’UBU @ Chronique et interview.

« Mais admet au moins que le temps file » chante Jérôme Coudanne dans « Imbéciles », extrait du nouvel album de Deportivo. Et pour cause ! Voilà presque une décennie que Deportivo parcourt les routes de France et de Navarre en nous distillant leur rock énergique avec toujours autant de fraîcheur et de spontanéité, malgré un parcours qui ne fut pas, loin sans faut, un long fleuve tranquille.

Quand d’autres auraient explosé en vol suite à une séparation d’avec leur maison de disque, les Deportivo, eux,  ne se sont pas trop posés de questions : Barclay les lâche, et bien soit, rien ne les freinera dans leur élan. « lorage plutôt que la brise… »

Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, c’est tout naturellement en mode « Do It Yourself » et sous leur propre label « Titanic Records »  que leur quatrième album « Domino » a vu le jour, le 14 octobre 2013. Les 3 garçons ont rappelé Arnaud Bascuñana, déjà présent sur « Parmi eux », pour se coller derrière la console et le résultat s’en ressent. « Domino » retrouve l’énergie du premier album tout en conservant cette ligne mélodique déjà sous-jacente de « Ivres et débutants ». En effet, les claviers sont toujours bien présents, arrangés de manière réfléchie proposant ainsi différentes couleurs et sonorités aux morceaux : tantôt anglo-saxonne, parfois vintage à la limite du psyché ou tout simplement rock. Bref, on retrouve la marque de fabrique du trio qu’on aime tant : des mélodies enivrantes, faussement juvéniles, servie par une basse aussi incisive que chantante.

Les textes de Jérôme sont ici lumineux et imagés : « Quand vas-tu te décider à m’inviter à ne plus revenir chez toi » , « Ton navire dérive mais tu sais si tu oses imposer une direction en inversant les pôles » , « mon vieux pays avance dans une purée de pois » et évoquent les thèmes favoris au groupe : l’amour, la désillusion (« Both On The Same Boat », « Chez Toi »), le temps qui passe et plus inédit, celui du voyage (« En ville », « Toutes les choses »).

Album « melting Pop », ou « melting Potes » et riche des expériences accumulées au fil des ans et des rencontres, on aura du mal à le décrire comme l’album de la maturité tant on a envie que ces trois-là restent encore longtemps de « grands adolescents » pour continuer à nous mettre un joyeux bordel sur scène.

A l’occasion de leur venue à Rennes, nous avons eu la chance de rencontrer Richard et Julien dans la minuscule loge de l’Ubu… 

 ♪♫ INTERVIEW ♪♫

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► Alter1fo : Bonjour, votre album est sorti en octobre dernier sous votre propre label. Jérôme C. déclarait alors que « si ceux qui nous aiment bien ne l’achètent pas, ce sera probablement le dernier album de Deportivo… ». Quel regard portez-vous sur les ventes de cet album à 5 mois de sa sortie ?

Julien : L’album est sorti en autoproduction, comme tu le sais, et c’est pour cela que Jérôme insiste sur le fait que « Domino » doit trouver son public et avoir un succès commercial suffisant pour nous donner la possibilité de refaire un cinquième album derrière et ainsi continuer à jouer notre musique. On regarde cela attentivement mais sans se prendre la tête non plus. Pour l’instant, cela n’est ni une catastrophe, ni un franc succès, cela suit son cours. On a encore pas mal de de dates en France  pour continuer à faire écouter notre  musique au plus grand nombre.

► On évoque souvent la notion de « liberté retrouvée » suite à votre séparation d’avec Barclay, vous l’aviez perdue ?

Richard : Non, il n’y a pas de « liberté retrouvée » car nous l’avons toujours eue : nous avons pu faire exactement tout ce que nous voulions sur tous nos albums. Avec Barclay, nous avons aucun ressentiment contre eux, c’est simplement une histoire d’industrie du disque avec des considérations financières : ils investissent sur un groupe, cela ne marche plus aussi bien et ils ne peuvent plus suivre, voilà tout.

Mais par contre, la notion d’ « urgence » est vraie. Quand tu te retrouves sans  maison de disque, tu te retrousses les manches et tu te dis « Bon, il faut y aller là« …

Julien : Cette séparation de toute manière n’est pas arrivée du jour au lendemain et comme le dit Richard, cela n’a ni influé sur notre liberté  de création ni sur notre état d’esprit.

► En parlant de création, cet album a été composé en Bretagne, à Quimper…

Julien : Oui, nous sommes partis tous les trois composer essentiellement dans une maison de Quimper, prêtée par un pote à nous, Christophe Acker qui a réalisé la plupart de nos clips (ndlr : ici ou ). La maison est assez isolée dans un petit hameau, de la côte de la baie d’Audierne. C’est un coin superbe et du coup, on y a été plusieurs fois  avec tout notre matos.

Richard : Il y a eu plusieurs phases. On se faisait parfois des sessions franches de plus de deux semaines, on prenait du plaisir à vivre là-bas, l’album s’est donc construit comme cela.

Julien : Ensuite, le disque a ensuite été enregistré avec Arnaud Bascuñana. C’était super de le retrouver une dizaine d’année après « Parmi Eux ». On s’était toujours dit que ce serait marrant de rebosser avec lui et ce nouveau disque était le bon moment pour le faire.

► C’est toujours délicat pour un groupe de décrire son album, mais quelle couleur vouliez-vous lui donner ?

Richard : Quand tu fais un truc artistique, il est toujours préférable d’avoir une petite idée vers où tu veux aller, sachant qu’ il peut exister mille façons d’y parvenir. Pour le troisième album, nous avions beaucoup travaillé de manière mélodique avec l’apparition du clavier, par exemple. Par contre, cela a peut être amené une petite baisse d’énergie. Du coup, pour « Domino », nous voulions vraiment retrouver cette fougue de nos débuts tout en conservant l’expérience de « Ivres et débutants ». On a finalement essayé de composer avec nos meilleures armes.

► Vous avez même continué à utiliser un clavier, prêté par Romain Turzi, un vieil ami à vous…

Julien : A un moment, on avait notre local à Paris qui était voisin de celui de Romain, au point Éphémère. C’était  d’ailleurs  un endroit assez cool tant il existait une « faune musicale » très riche :  on y croisait les gars de Zombie Zombie, d’AS Dragon. Romain avait toujours ses claviers et on entendait parfois des sons qui transpiraient de son studio. On se disait alors qu’il y avait des trucs à faire avec tout ça.  Ce clavier GEM n’est pas un clavier très cher mais en rajoutant deux, trois pédales dans la boucle, cela donnait un son intéressant et correspondait à ce que l’on cherchait depuis un petit moment.

Richard : Romain est notre fournisseur officiel de claviers (rires…) car il nous avait déjà offert un Crumar pour le troisième album.

► Vous défendez ces nouvelles chansons en live depuis quelques temps, quel est votre état d’esprit aujourd’hui?

Julien : On est très content et très fier de ce disque et du coup, on a envie de le défendre sur scène et ça roule pas mal maintenant !  On a un gros « squelette » de chansons et une setlist qui tient la route. Ça commence à être agréable. Les périodes de calage sont finies et les automatismes de jouer tous les 5 avec Cédric et Vincent sont bien acquis (ndlr : Cédric Le Roux et Vincent David :Garbo, Miossec). Et puis, on vient de faire de jolies dates comme la Cigale, la Dynamo à Toulouse ou le Poste à Galène à Marseille qui étaient bien remplies.

Deportivo_by_YannBuisson_LARGE► Votre public et votre rapport avec lui a-t-il évolué ?

Julien : Ceux qui nous ont découvert avec le premier album , le cœur de notre public, ont eu la même trajectoire que nous : ils ont pris 10 ans dans la gueule (rires…). On croise des gens sur cette tournée que l’on n’avait pas vu depuis un petit moment et on est content de les retrouver, c’est un réel plaisir. Après, c’est toujours chouette quand il y a une amplitude d’âge assez grande dans la fosse, comme à Toulouse ou à Marseille. Mais surtout, le truc intéressant, c’est qu’il commence à y avoir une sorte d’esprit, de couleur aux concerts de Deportivo : un truc un peu bordélique,  joyeux et plein d’énergie et  les gens, peu importe l’âge, savent à quoi s’attendre.

Au cours de ces 10 dernières années, le phénomène des «réseaux sociaux» est apparu  : comment l’appréhendez-vous ?

Julien : On fait parti de ces groupes qui sont arrivés au moment où tout commençait à être révolutionné, que ce soit pour facebook ou pour le mode de consommation de la musique : le fait de l’acheter ou pas. En ce qui concerne les réseaux sociaux, on s’occupe du facebook et on a aussi ouvert un compte Instagram. On prend le truc en route et c’est plutôt cool.

► En parlant de prendre le « truc en route », pour vous, le futur, c’est la route justement et tourner, en France et peut être à l’étranger   ?

Julien : On a déjà joué à l’étranger, trop rarement car on adore ça : mélanger la musique avec  le plaisir de changer de pays, de langue… On a déjà eu la chance de jouer au Canada, en Russie cet été, en Allemagne, en Suisse et en Belgique. Si ça s’élargit encore, ce sera très cool. Mais pour nous et ces prochains mois, on va essayer de continuer de tourner un maximum tout  composant en même temps, même si  c’est un peu casse gueule et pas facile à faire.

► A force de tourner, vous arrivez encore à vous supporter (rires…)   ?

Julien : Oui, on s’entend très bien. C’est particulier la vie de tournée. On se connaît tellement depuis un bon nombre d’années que l’on plaisante tout le temps, même parfois de manière violente (rires…). Les gens peuvent même être surpris de ça et croire que l’on ne se supporte plus, mais c’est du second, voire du troisième degré. Pour l’instant, tout va très bien !

► Merci beaucoup & bon concert ce soir !

Crédits photos : © Yann Buisson

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