CRA se passe près de chez vous : Témoignage d’Aly

A quelques centaines de mètres du parc des expositions, proche de l’aéroport, au bout d’un cul-de-sac, loin des regards, se trouve le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Dans ce centre, sont enfermées des personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français que l’administration cherche à expulser. Rien ne leur est reproché sur le plan pénal. Leur privation de liberté est uniquement fondée sur leur situation administrative.

La Cimade, association de solidarité active avec les personnes migrantes, intervient au centre de rétention. L’une des missions que s’est donnée l’association est de rendre visible la rétention et les personnes enfermées afin de dénoncer ce système et exiger la fermeture de tous les CRA. Dans ce cadre, elle recueille les témoignages de personnes retenues afin de faire entendre leur voix.

L’équipe d’Alter1fo a décidé, en collaboration avec la Cimade, de donner une place à ces récits souvent dramatiques puisque, derrière les barbelés et les grillages renforcés, se jouent des drames humains.

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Abdoulaye est en France depuis plus de 10 ans, il y a tous les membres de sa famille et vit avec sa compagne, française, et son enfant. Un matin, les policiers sont venus l’interpeller à son domicile et l’ont menotté et emmené de forces devant sa famille, impuissante. Ayant refusé d’embarquer dans l’avion réservé par la préfecture du Morbihan pour l’expulser en Guinée, il a été enfermé au centre de rétention de Rennes.

« Les policiers te scotchent et même, ils te casquent puis te portent comme un bébé jusque dans la voiture… »

Aly : « Moi quand je suis arrivé au centre de rétention, j’étais menotté, puis après ils m’ont fouillé. On dirait que je suis un assassin. On dit que ça n’a rien à voir avec la prison, mais c’est pareil ici. Même ceux qui sont allés en prison, ils disent que c’était mieux là-bas. Ici ce que je peux dire, c’est que c’est en-dessous de l’esclavage.

Moi, ce qui m’a choqué, c’est qu’ici, on n’a pas fait de délit, on veut vivre comme d’autres personnes. Mieux vivre comme tout le monde.

Ici, même pour rencontrer le juge, on te menotte. En revenant, on te menotte encore. Et attention, on t’attache fort avec une ceinture pour ne pas pouvoir bouger. Alors qu’on n’a pas fait de délit, juste de vouloir mieux vivre.

Ici, tu n’as pas accès à ton téléphone, ni rien.

Ici, il n’y a pas d’activité. On mange, on dort. Ce n’est pas bon pour le corps. Ce n’est pas bon pour la tête aussi car on ne pense qu’à nos problèmes. On réfléchit à notre vie. On fait rien de la journée, on s’ennuie tout le temps.

Ici, il y a plein de gens différents. Des demandeurs d’asile, des personnes qui ont des OQTF (NDLR : Obligation de quitter le territoire français), d’autres qui sortent de prison. On n’est pas dans les mêmes cas. Il y a même des personnes qui demande à rentrer dans leur pays mais on ne les laisse pas partir.

La nuit, ici, les gens sont énervés. On ne peut pas avoir d’argent donc des gens pètent un câble parce qu’ils ne peuvent pas fumer.

Le premier vol tu peux le refuser gentiment, le deuxième vol aussi des fois, mais le troisième vol, ça se passe mal. Les policiers te scotchent et même ils te casquent puis te portent comme un bébé jusque dans la voiture.

Moi, ma femme est enceinte, elle fait la route de Tours pour venir me voir. Elle a besoin de moi, elle a besoin de ma présence. Nous, on cherche juste à mieux vivre. Vivre ensemble, tous les trois avec le bébé.

Mais là c’est dur. »

Aly a été expulsé loin de sa compagne et de son enfant à naître après 50 jours d’enfermement.

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Pour être tenu informé.e.s de ce qu’il se passe au CRA de Rennes, il vous est possible de vous inscrire à la lettre mensuelle, CRA se passe près de chez vous. Vous pouvez également retrouver les podcast des chroniques concernant le CRA de Rennes diffusées sur la radio Canal B.

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