CRA se passe près de chez vous : Témoignage de Imad

A quelques centaines de mètres du parc des expositions, proche de l’aéroport, au bout d’un cul-de-sac, loin des regards, se trouve le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Dans ce centre, sont enfermées des personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français que l’administration cherche à expulser. Rien ne leur est reproché sur le plan pénal. Leur privation de liberté est uniquement fondée sur leur situation administrative.

La Cimade, association de solidarité active avec les personnes migrantes, intervient au centre de rétention. L’une des missions que s’est donnée l’association est de rendre visible la rétention et les personnes enfermées afin de dénoncer ce système et exiger la fermeture de tous les CRA. Dans ce cadre, elle recueille les témoignages de personnes retenues afin de faire entendre leur voix.

L’équipe d’Alter1fo a décidé, en collaboration avec la Cimade, de donner une place à ces récits souvent dramatiques puisque, derrière les barbelés et les grillages renforcés, se jouent des drames humains.

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Imad est arrivé en France à l’âge de 10 ans avec ses parents, fuyant la guerre au Soudan. Suite au décès de ses parents, il se retrouve à la rue, sans aucune aide. Enfermé au centre de rétention de Rennes, en vu de son expulsion dans un pays en guerre où il n’a plus personne et où il n’est pas retourné depuis 19 ans, il réfléchit aux manières de reconstruire sa vie.

« Je suis triste quand je pense à mon histoire. »

Imad : « Quand j’étais petit je ne suis pas allé à l’école. Quand j’avais 8-9 ans ils m’ont fait rentrer dans les enfants soldats. On était avec les rebelles nous, on se battait pour l’indépendance du Soudan du Sud. Au bout d’un an de guerre à peu près je suis venu en France avec mes parents.

Quand on est arrivé en France, mes parents ont été régularisés. Ma mère travaillait comme femme de ménage et mon père était vigile. Après, malheureusement, vers octobre-novembre 2012, ils sont décédés dans un accident de voiture.

Après c’était compliqué. Je suis tombé à la rue car je ne pouvais pas payer le loyer de notre appartement. A la rue, j’ai commencé à prendre de la drogue et de l’alcool. La rue c’est dure. Il fait froid, t’as rien. Quand t’as de l’argent, tu peux pas payer un hôtel car t’as pas de papiers, alors t’achète de la drogue. Lorsque j’étais dans la rue, je vendais et fumais de la drogue, il n’y a que ça pour survivre dans la rue.

Un jour, on m’a attrapé avec de la drogue et on m’a mis en prison. J’ai mal tourné en prison. Bagarre, isolement et tout ça. Mais celui qui fuit la guerre il doit tourner un page tranquille.

Aujourd’hui, je veux être un vrai responsable, construire une vraie vie et créer ma famille. Je veux partir de France. J’ai économisé 1500€ en travaillant en prison. C’est mon capital. C’est comme de garder 1 million pour moi. Ça va être quelque chose de bien pour ma nouvelle vie.

Même si je rigole, je n’arrive pas à rigoler de l’intérieur. Je suis triste quand je pense à mon histoire. C’est pour ça que je veux changer de vie. J’ai plus rien à perdre, alors après la guerre je veux vivre tranquillement dans un autre pays, loin des problèmes que j’ai eu en France.

La solution c’est de foncer à la frontière de l’Espagne et la frontière de l’Europe pour changer ma vie. »

Imad,
libéré après 60 jours d’enfermement.


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