CRA se passe près de chez vous : Témoignage de Charlie

A quelques centaines de mètres du parc des expositions, proche de l’aéroport, au bout d’un cul-de-sac, loin des regards, se trouve le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Dans ce centre, sont enfermées des personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français que l’administration cherche à expulser. Rien ne leur est reproché sur le plan pénal. Leur privation de liberté est uniquement fondée sur leur situation administrative.

La Cimade, association de solidarité active avec les personnes migrantes, intervient au centre de rétention. L’une des missions que s’est donnée l’association est de rendre visible la rétention et les personnes enfermées afin de dénoncer ce système et exiger la fermeture de tous les CRA. Dans ce cadre, elle recueille les témoignages de personnes retenues afin de faire entendre leur voix.

L’équipe d’Alter1fo a décidé, en collaboration avec la Cimade, de donner une place à ces récits souvent dramatiques puisque, derrière les barbelés et les grillages renforcés, se jouent des drames humains.

« Le 19 décembre, une personne avait tenté de se donner la mort par pendaison au CRA de Rennes. Après 9 jours d’hospitalisation entre la vie et la mort, ce monsieur est décédé le samedi 28 décembre. Avec ce nouveau drame, c’est la politique d’enfermement du gouvernement qui est en cause. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, c’est la cinquième personne qui décède dans ces lieux de privation de liberté. Une telle série de drames est inédite et inacceptable. » (communiqué officiel de la Cimade)

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Charlie est arrivé en France mineur où il a été rejoint par les membres de sa famille qui ont tous ensuite été régularisés. Aujourd’hui jeune adulte, l’administration française veut l’expulser dans son pays d’origine où il n’a plus personne. Depuis près de 60 jours d’enfermement, le sentiment d’angoisse que provoque la rétention et la peur de l’expulsion est toujours aussi prégnant

« La police veut m’expulser dans un pays où je n’ai plus personne… et je n’ai nulle part où aller. »

Charlie : « Vraiment, les gens sont dans la galère ici. On ne peut pas avoir d’argent, de mandat cash, on ne peut rien envoyer, ni recevoir.

Des gens sont expulsés alors que leurs familles sont en France, leurs enfants sont ici.

Il y a des gens qui sont enfermés ici qui n’ont rien fait, qui ne voulaient pas rester en France, qui sont juste de passage sur le territoire et qui veulent retourner dans leurs pays. Ils sont enfermés et expulsés. C’est n’importe quoi, je ne comprends pas.

Je suis venu en France pour vivre ici car j’avais des problèmes dans mon pays à cause de mon père. Ma mère m’a envoyé ici quand j’étais mineur. Je suis en France depuis 2007. Mon père a disparu en 2007, mon frère a été assassiné en 2017. Je n’ai pas eu de papiers. Tous les membres de ma famille sont là. Ils sont tous régularisés. La police veut m’expulser dans un pays où je n’ai plus personne et je n’ai nulle part où aller.

Je suis toujours stressé ici. A chaque fois qu’ils viennent chercher quelqu’un pour l’expulser au milieu de la nuit, c’est toujours un choc. Après ça, pendant plusieurs jours je n’arrive pas à dormir, j’ai peur qu’ils viennent me chercher. Je ne suis jamais tranquille.

Je suis là depuis presque deux mois et c’est trop long, c’est dur.

Ce n’est pas de la faute des policiers, ils font leur travail, ils viennent, font leur boulot, ferme la porte quand ils rentrent chez eux et c’est fini.

J’essaye d’aider les gens, je traduis, pour faire passer le temps. Je reçois des visites avec des bénévoles.

J’ai mal au cœur pour les autres. Je sais que rien ne va changer avec ce témoignage mais il faut que les gens sachent ce qui se passe. »

Charlie,
expulsé après 73 jours d’enfermement.


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Pour être tenu informé.e.s de ce qu’il se passe au CRA de Rennes, il vous est possible de vous inscrire à la lettre mensuelle, CRA se passe près de chez vous. Vous pouvez également retrouver les podcast des chroniques concernant le CRA de Rennes diffusées sur la radio Canal B.

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