Collectif Tomahawk : Pour des zicos par des zicos

Depuis 2010, le collectif Tomahawk accompagne de nombreux groupes bretons dans la jungle musicale actuelle. Conseils, mutualisation d’informations et de contacts, organisation de tour et de concert… ces gens ont du savoir-faire et l’envie de le partager. Leur proposition s’affiche ouvertement comme une alternative aux circuits «classiques» de diffusion et de distribution.
Quand des personnes ont pour devise : « être dans le vent est une ambition de feuille morte », forcément ça donne envie de les rencontrer.

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Alter1fo : Le collectif s’est créé en 2010, d’où est venue l’envie de départ ?

Fred pour Tomahawk : Oui, le collectif a 2 ans et demi d’existence. Au départ : un groupe de quatre potes. Et parmi eux : deux guerriers. Deux indiens qui se mettent dans un petit grenier pour monter une asso qui permettrait de rencontrer le plus possible d’acteurs des musiques actuelles pour les faire bosser ensemble.

Une envie de collectif dès le départ donc ?

Tout à fait. Une asso montée par des groupes, pour des groupes. Avec un développement assez important puisque de deux personnes on est passé à sept. Deux chargés de production, un administrateur, trois services civiques et une personne embauchée spécialement pour le projet Cornflux pour de la traduction notamment.

On en parlera tout à l’heure du projet Cornflux.

OK. Du côté des groupes, c’est assez exponentiel aussi puisqu’aujourd’hui on en est à 90 groupes. C’est une association à but non lucratif. Il n’y a qu’un objectif c’est l’entraide et non pas le bénéfice pour qui que ce soit.

Réussir à regrouper 7 personnes pour faire vivre ça, c’est déjà un bel exploit.

Oui mais je pense que la volonté des gens de l’asso, c’est vraiment que ça se développe encore. On veut être 10 en 2013. Parce qu’il y a besoin. Ce n’est même pas qu’on le veuille particulièrement, mais la demande est de plus en plus grande. J’ouvre mes mails ce matin et j’ai trois groupes qui veulent me rencontrer. Et encore, je ne suis que l’antenne rennaise. A l’antenne là-bas (à Querrien dans le Finistère), ils en ont au moins reçu tout autant.

Dans vos initiatives ayant un franc succès, il y a un « Pack du Zicos », consultable gratuitement sur le site. Qu’est ce qu’on y trouve ?

Je vais commencer par faire un petit aparté sur le pack du Zicos parce qu’il est partie prenante du Cornflux project. On a lancé ce projet européen avec différents objectifs, dont ce livre. Il est sorti mi-novembre 2012. Donc 2/3 mois d’existence et 23 000 lectures sur le net. Il a été diffusé dans tous les centres ressources avec lesquels on a pris contact et il est envoyé sous sa forme physique à ceux qui le demandent. Alors, qu’est-ce qu’il contient ? Tous ces groupes qu’on a rencontrés nous ont raconté leurs expériences et leur diverses difficultés. Avec tout ça, et aussi avec nos expériences personnelles de musiciens, on a essayé de voir comment on peut concrètement apporter de l’aide à un groupe de musique, qu’il soit amateur, émergeant, en voie de professionnalisation ou en développement. L’objectif était donc d’aborder un maximum de points, dont par exemple : comment construire son spectacle ? Comment faire une recherche de dates pour booker sa tournée ? Comment rencontrer des bookeurs plutôt que de chercher soi-même des dates ? Comment se structurer en association ?… En gros, tout ce qui va avec la mise en place « sérieuse » d’un groupe de musique. Parce que quand un groupe vient nous voir, en général ce qu’il nous demande c’est de les aider, les accompagner. Comment bosser leur communication ? Comment faire une vidéo ? Mais aussi comprendre ce que c’est que la SACEM ou la SPEDIDAM.

Pas facile de s’y retrouver dans tous ces noms barbares quand on débute ?

Oui et en plus en ce moment, il y a pas mal d’idées fausses qui circulent sur ces structures. Il faut souvent recadrer un petit peu. Au delà de toutes ces questions, ce guide on a essayé de le rédiger avec un ton très humain, très convivial, à la portée de chacun. Pour qu’on ait l’impression quand on le lit de parler à quelqu’un directement. Les retours qu’on a pu avoir des différents centres de ressources, c’est ça. Qu’on parle directement aux musiciens. Pour résumer ça en une phrase : le pack est écrit par des zicos pour des zicos.
C’est aussi un gros travail de ressources. On a mis là dedans un paquet de bases de données qu’on a été grattées dans tous les coins. On y trouve donc des tonnes de contacts, pour la Bretagne mais aussi pour la Normandie et la Grande Bretagne parce que dans le projet Cornflux, il y a un partenaire normand et deux anglais.

Qui sont ces partenaires ?

L’association Chauffer dans la noirceur, Little Miss music Management et la radio associative Saint Austell Bay.

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C’est quoi alors ce projet Cornflux ?

C’est un projet CORNflux parce c’est un projet entre la Cornouailles anglaise et la Cornouailles française. Il a été monté dans le cadre d’Interreg (Projets inter-régionaux financés par le Fonds Européen de Développement Régional). Le projet est constitué d’échanges de groupes. On a fait venir 3 groupes anglais qu’on a fait jouer sur 3, 4 ou 5 dates, et on a fait partir 3 groupes français en Angleterre en contrepartie qui on fait eux aussi entre 3 et 5 dates. C’est hyper important pour l’ancrage territorial. C’est bien de faire un projet comme ça, où on envoie des groupes, mais l’important pour nous, c’est que ces groupes du collectif puissent aussi créer du lien et que ça serve au collectif. Que ces expériences, que ce réseau, servent au collectif.

Les réseaux anglais ont l’air très différents des nôtres ?

Oui, c’est pour ça que le pack du zicos existe aussi en anglais et que même dans la version française on trouve plein d’informations sur le réseau anglais. Il y a des démarches et des aspects très différents entre les deux pays. Pour avoir été en Angleterre rencontrer différents partenaires ou patrons de bar-concert, ils n’ont pas du tout la même logique économique ou culturelle qu’en France. Il y a des difficultés encore plus aberrantes et ahurissantes là-bas en terme de coûts. Ils ont je ne sais combien d’institutions, à qui ils doivent envoyer des paiements réguliers. Et puis pour les groupes anglais, il y a un gros problème de statut. Quand on leur parle d’intermittence, eux ils disent « Mais attends, nous ont fait 70/100 concerts dans l’année sans difficultés ». Il y a une vraie fidélité de certains bars qui les font jouer 3 ou 4 fois dans l’année, mais par contre, ils ne les payent pas trop cher. Le statut d’intermittent n’existe tout simplement pas. En plus en terme d’accueil, les groupes anglais étaient tous ahuris de voir comment ils mangeaient (et buvaient) bien en France. Là-bas, tu amènes ta bouffe et tu payes tes consos.

Le collectif regroupe aujourd’hui 90 groupes dont quelques noms connus dans le coin (Korkoj, Guz II ou We are Van Peebles). 72 sont visibles sur le site dans le cadre d’un partenariat avec ZikCard. Ce qu’on trouve chouette c’est que s’il faut payer une modeste adhésion pour entrer dans l’asso, on doit d’abord venir vous rencontrer pour voir si vous partagez les mêmes valeurs. Qu’est ce que vous attendez d’un groupe ?

Alors, il n’y a pas de filtre de genre ou qualitatif, donc le seul filtre, c’est la rencontre humaine sur la ferme. On attend du groupe qu’il arrive avec une ouverture d’esprit et qu’il comprenne bien que nous ne sommes pas un bookeur, pas un label mais bien un collectif. On leur demande qu’ils arrivent en exposant avec un maximum de détails, leurs manques, leurs besoins, leurs objectifs, leurs projets artistiques ou associatifs… et ensuite qu’ils nous expliquent qu’est ce que eux peuvent apporter au collectif. On n’est pas uniquement dans de l’accompagnement, mais surtout dans de l’échange, dans le partage. On va donc essayer de le concrétiser par écrit. Quand on reçoit un groupe, on lui pose des questions sur ce qu’il a besoin et on note les contacts ou les compétences qu’ils peuvent nous donner. Par exemple, si dans le groupe il y a un ingé son, il pourra faire un mixage en live ou pour un disque pour un autre groupe. Si un gars a des compétences en informatique, il pourra nous aider à monter notre réseau dans nos futurs locaux. Un mécano pourra aider à réparer le camion. On peut aussi donner un coup de main pour du flyage ou de l’affichage sur une date. C’est tout simplement cet échange là qu’on attend.

C’est quoi les difficultés principales pour un groupe aujourd’hui ?

C’est différent, suivant si c’est un groupe amateur, débutant ou en développement. Dans le collectif, il y a 30% des groupes qui sont en développement, donc des intermittents qui se consacrent principalement à la musique. Un groupe amateur, il va avoir besoin tout simplement d’un local de répétition. Donc nous, on va les mettre en contact avec des associations, lieux ou aussi d’autres groupes pour qu’ils se mettent ensemble pour louer un lieu. Très souvent, ce qui revient, c’est la difficulté à trouver des lieux de diffusion. A nouveau, on fait de la mise en réseau avec des cafés-concerts ou des lieux. Là, on développe aussi un pôle vidéo pour aider les groupes à faire leur communication, par exemple en réalisant un petit montage d’une prise live d’un concert. Ça peut aussi être la mise à disposition de notre sérigrapheuse pour pouvoir presser du CD. Les demandes des groupes sont très diverses, mais tournent souvent autour de la diffusion, de la communication ou de la structuration administrative.

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Toujours dans une logique collective, vous avez fait un appel à don sur le site de financement collectif Octopousse pour construire des locaux. Apparemment ça a bien marché ?

En fait, ce qu’on est en train de construire c’est une salle de concert. On la définit même comme « la salle la plus Rock’nRoll de l’ouest » (rires)

Quelle ambition ! (rires)

Cette salle fait partie intégrante du projet Tomahawk. C’est une salle construite sans aucun fond public. C’est très important parce que, à titre personnel, je ne connais aucune salle qui ait été construite sans  subvention. On a commencé à la construire, il y a deux ans et elle devrait être terminée en 2014/2015. Dans cette salle, il y a aussi une partie administrative. Pour l’instant, notre bureau est dans le grenier d’une grange. On aime beaucoup ce lieu, parce qu’on y a passé beaucoup de temps et qu’on aime y travailler mais on commence à être un peu à l’étroit et puis l’hiver ça « frisotte » un peu comme on dit. Il était donc temps de monter un nouveau bureau. Il sera à l’étage de la salle de concert. Du coup, Octopousse pour nous, ça coulait de source parce que ça colle au valeurs de Tomahawk : l’entraide, la solidarité. On a donc demandé 4 500 € qui sont dédiés aux matériaux.

On en trouve d’ailleurs la liste précise sur le site.

Tout le reste du travail, il est fait avec nos petites mains, avec nos copains. On aussi fait des appels à chantier public. Là, on en est à 5 000 €. On se rend compte qu’au delà de cette somme importante qui va nous permettre d’accueillir les groupes de manière encore plus respectueuse, il y a une solidarité qui est en marche. Il y a plus de 140 soutiens. C’est super, c’est énorme et pour nous c’est une vraie émulation. Ça nous a permis de prendre contact avec des gens, de renouer des liens avec d’autres et puis aussi de communiquer sur le collectif, ce qui n’est pas négligeable. C’est une vraie réussite le projet Octopousse. En plus, il y a un partenariat qui a été mis en place avec le site. On a rencontré les gens qui s’en occupent et aujourd’hui on va pouvoir proposer aux groupes du collectif des avantages pour ceux qui lanceront des projets Octopousse.

Les locaux sont donc basés à Querrien dans le Finistère, mais il y a une antenne rennaise. Quand on fait tourner des groupes en Bretagne, l’étape rennaise, c’est une obligation ou c’était juste une opportunité qui s’est présentée ?

On s’est rendu compte d’une part qu’il y avait de plus en plus de demandes et que, sans parler de localisation, il y avait besoin d’un second « pied à terre » pour élargir la sphère. Effectivement, les musiques actuelles sont très représentées à Rennes. Il y a aussi un certain nombre de structures existantes qui ont du poids dans le coin. Mais ça s’est aussi fait plus ou moins par hasard, parce que j’ai intégré le collectif et que j’habite à Rennes. Du coup, de plus en plus de groupes rennais intègrent le collectif et vu le nombre de festivals ou de concerts se passant à Rennes, c’était encore l’opportunité de développer des partenariats. Pour prendre quelques exemples, on est sur la prog’ de Roulements de Tambour. On est aussi pas mal en lien avec l’INSA, avec la partie concert de la garden party, le gala de l’INSA et le festival UnDesSens. Il y a aussi en avril une nuit des 4 jeudis organisée avec une asso de l’INSA et la mairie de Rennes. Cette proximité a permis ce genre d’événements.

Quels sont vos autres projets à venir ?

On arrive bientôt au terme de ce projet européen. Vu la réussite de ce projet de notre point de vue mais aussi de chacun des partenaires, on a décidé de se relancer dans un second projet européen. Je ne peux pas trop en parler pour l’instant mais l’idée c’est encore de développer des liens avec d’autres pays et des nouveaux partenaires en Angleterre.
Les autres projets, c’est d’avoir un peu plus de poids politique. Parce que se défendre auprès d’un café concert quand on est un groupe c’est une démarche qui, localement, est importante, mais on est sur quelque chose d’un peu plus général : il va falloir ré-ouvrir les lieux de diffusion. Casser cette spirale de fermeture. Des SMAC (Scènes de Musiques ACtuelles) mais pas que. Des grosses salles de concert qui sont trop souvent ouvertes aux bookeurs mais pas aux associations, aux différents styles de musique ou aux groupes amateurs. C’est trop systématiquement destinés à tel style de musique et tel style de groupe. Enfin, on veut remobiliser les publics. Faire entendre aux gens qu’il n’y a pas que des concerts au Zénith de telle ou telle ville. Redonner aux gens l’envie d’aller aussi voir les concerts de groupes locaux dans des cafés cultures ou des petites structures.

Pour finir, comment un collectif d’aide aux musiciens se retrouve à brasser sa propre bière ?

Il y a un projet qui a été monté de manière plus large que simplement le collectif Tomahawk. Pour expliquer ça de manière concise, il y a une terre agricole à la base de 22 hectares qui appartenait à un couple d’amis. Ces deux personnes ont décidé d’ouvrir leurs terres pour mutualiser et travailler à plusieurs sur ce terrain. Il y a aussi le trio JC, son amie Cécile et Vincé qui sont à la base du projet Tomahawk, qui ont décidé de reprendre la ferme avec eux. Sur ce lieu, il y a eu plusieurs activités : du maraichage, la fabrication de fromage de chèvre, une partie associative avec Tomahawk et la culture du houblon, de l’orge pour la fabrication d’une bière artisanale. Et puis qui dit concert, dit bière (rires). Ça nous semble plutôt cohérent comme démarche. En plus ça fait une marque de fabrique du collectif. La « couille de loup », elle commence à avoir une certaine réputation, et pas seulement grâce au collectif. En plus, la salle de concert, ce sera une salle de concert, des bureaux administratifs et c’est aussi une brasserie. Les gens qui viendront voir un concert, ils auront le bureau qui a organisé ce concert juste au dessus, et de la bière qui est fabriquée à 20 m de là.

Merci beaucoup et bonne continuation.

Merci à toi.

le site du collectif Tomahawk

le pack du Zicos

le projet Octopousse pour le financement des travaux

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