[chroniques confinées] Goodbye basketball de Yes Basketball

Reconfinées mais pas mortes, les scènes musicales rennaises continuent de vivre malgré la morosité ambiante et les autorisations de sorties. Histoire de soutenir celles et ceux qui se se bagarrent pour continuer de défendre une vision frondeuse et indépendante de la musique, nous vous proposons quelques chroniques de disques plus ou moins locaux à découvrir dans le respect des gestes barrières. Aujourd’hui nous vous invitons chaudement à vous plonger dans l’univers euphorisant et joyeusement foutraque de Yes Basketball.

Nous avons découvert pour la première fois l’étonnant projet Yes Basketball en juin 2018 lors d’une des deux épatantes soirées célébrant les 20 ans du Jardin Moderne. Nous étions très curieux d’enfin découvrir ce qui se cachait derrière ce sibyllin patronyme. Né d’une blessure lors d’un match de basket ayant écarté de la scène quelques temps le prolifique batteur Pierre Marolleau (Fordamage, Fat Supper, We Only Said, My Name Is Nobody…), ce projet est d’abord le sien, celui des envies et des inspirations qui se sont concrétisées pendant cette parenthèse. Pour que tout cela prenne forme, il regroupe autour de lui des figures locales familières pour les lecteurs fidèles à nos colonnes musique. On y retrouve donc autour de Marolleau à la batterie et au chant,  Benoît Guchet (Bantam Lyons) à la basse et aux percussions, Stéphane Fromentin (Ruby Red Gun, Trunks, Bornor) à la guitare et au clavier et enfin à la guitare Christophe Le Flohic (Totorro).

Même si nous nous attendions à tout venant de la part d’un garçon aussi aventureux et éclectique que Pierre Marolleau, nous avions été bien cueilli par l’énergie de ce savoureux mélange d’indie rock et de math rock teintés de malicieuses nappes synthétiques et d’un flow hip hop au groove savoureusement lunaire. Nous avions donc déjà beaucoup apprécié cet improbable mais savoureux croisement entre Battles, Clipping, Shabbazz Palaces et les Beastie Boys avec en plus la petite touche d’énergie et de folie qui n’appartient qu’au bonhomme. En mai 2019, le groupe confirmait doublement notre excellente première impression avec une prestation assez jubilatoire à la 21ème édition du festival des Embellies et un premier EP quatre titres tout aussi convaincant.

Voilà donc que déboule enfin le premier album de la formation. Paru en vinyle le 13 novembre 2020 grâce aux efforts conjoints des impeccables les Disques Normal et À tant Rêver du Roi, il s’appelle Goodbye Basketball et c’est une des plus vivifiantes curiosités du moment.
Le disque s’ouvre sur un New Shit 1 en forme de note d’intentions assez claires : Yes Basketball n’a peur de rien et n’aime pas les sentiers trop balisés. Rythmiques concassées, flow velouté et chœur suave, synthés entêtants et guitare abrasive s’emballant brusquement pour un final ébouriffant, vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Disque à la fois totalement cohérent et pourtant imprévisible, il s’ingénie à souffler le chaud et le froid sans que l’intensité ne faiblisse un instant. Le bien pêchu Your nights & your days convoque sans rougir les Hoooooo rageurs des Beastie Boys  avant que Jokes jokes et sa voix d’ogre nous embarque dans des ambiances plus sombres et mélancoliques. Anger Featuring Happiness synthétise en un seul morceau une rage rock’n’roll bien rentre dedans bien et un rap lugubre  en mode down tempo au groove abrasif et  fantomatique. On reste ensuite dans les recoins obscurs avec Your Eyes Talk static, ses vrilles synthétiques bien acides avec basse vrombissante. Sauf qu’on y trouve également les chœurs aériens d’Astrid Radigue (Mermonte) et  une conclusion en forme de délicieux alphabet enfantin. Gotta Click On It explore l’influence insidieuse des réseaux sociaux avec son groove bancal et malsain qui ne nous emmène droit vers un maelstrom sonore final.  Hairdressing effectue ensuite un virage spectaculaire vers une ballade à l’ironie nonchalante sur le dégarnissement capillaire dont la langueur et la guitare aquatique évoquent la bonhommie roublarde d’un Mac De Marco. L’album accélère ensuite de nouveau avec le vivifiant To Dream and Forget sur lequel Astrid Radigue montre qu’elle peut aussi mordre et qui finit par joyeusement partir en vrille en spirale rythmique et guitare entêtante. A peine remis de cette tornade et nous voilà emportés par la ballade dépouillée de Testing The Wind au chant clair et mélancolique. Le répit sera de courte durée puisque le massif To Get Old With Her nous embarque dans l’inexorable ascension d’une vertigineuse cathédrale rythmique et bruitiste à la Electric Electric. To Stare at Something Wrong conclue (ou pas ?)  l’aventure sur une envolée tout en sensibilité libérée.


Malgré sa richesse et sa variété, il se dégage de Goodbye Basketball une énergie et une positivé assez remarquable dans une période aussi délétère. Sans mièvrerie, mais aussi et c’est plus rare sans cynisme, Pierre Marolleau nous fait le cadeau d’une œuvre à la fois profondément personnelle mais qui exhale aussi l’esprit de camaraderie qui a permis son accomplissement. Ce serait bien bête de passer à côté.

Plus d’1fos sur :
le bandcamp des Disques Normal
le bandcamp d’À Tant Rêver du Roi
La page FB du groupe

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