[chroniques confinées] Erba Spontanea de Mange Ferraille

Confinées mais pas mortes, les scènes musicales rennaises continuent de vivre malgré la morosité ambiante et la privation de concert jusqu’à date indéterminée. Histoire de soutenir celles et ceux qui se bagarrent pour continuer de défendre une vision frondeuse et indépendante de la musique, nous vous proposons quelques chroniques de disques plus ou moins locaux à découvrir dans le respect des gestes barrières aux grandes plateformes. Aujourd’hui on part en vrille avec Erba Spontanea de Mange Ferraille.

Dans les sorties musicales marquantes de cette fichue année 2020, il y a un disque qui sort du lot par sa vertigineuse richesse et la radicalité de son expérience d’écoute. L’album s’intitule Erba Spontanea, le groupe Mange Ferraille et les grands malades qui lui ont conjugué leurs forces pour lui permettre de prendre la forme physique d’un très beau vinyle transparent (et d’un CD) sont Dur et Doux, A Tant rêver du roi, Poutrage records, Kerviniou records et Tendresse records. Il ne fallait en effet pas moins de cinq labels pour sortir un objet musical d’une telle singularité.

En digital ou en CD, Erba Spontanea prend en effet la forme d’un unique titre de 40 minutes, bien évidemment découpé en deux parties sur le vinyle. A l’écoute, malgré l’homogénéité de l’ensemble, on distingue quatre grands chapitres qui jalonnent cet épique périple. Mange Ferraille cultive en effet la répétition et l’abrasivité de la plus frontale des manières. Autour d’une batterie inflexible à la puissance constante mais aux variations ténues viennent s’agréger et s’entrechoquer  les riffs tous aussi obsessionnels de deux guitares (dont une baryton), ainsi que deux orgues qui n’en finissent pas de siffler ou de gronder leur dernier râle. Au bout d’une bonne demi-heure de ce voyage déjà assez monumentale sort de l’ombre une voix d’apocalypse pour nous accompagner jusqu’à un dernier crash aussi vif que final.
Quand on aime les musiques expérimentales ou de frange, on en a déjà croisé des tentatives d’utilisation de la répétitivité en matière de rock. Drone, rock psychédélique ou kosmische Musik, ils sont en effet nombreux à avoir pousser les boucles dans leurs retranchements pour susciter la transe et faire basculer l’auditeur dans les abysses. Pour le meilleur, on pense aux longues odyssée de Michael Gira pour Swans, aux délires somptueux de Can,  aux spirales fascinantes de Beak> ou, plus extrême encore, à la vielle à roue infernale de France… Pour le pire, on soupire aussi en se rappelant de tout ceux qui s’y sont essayé avec pour seul résultat un ennui profond.
Qu’est ce qui fait alors qu’Erba Spontanea nous fascine lui au point d’y revenir régulièrement en s’enfilant à chaque fois l’intégralité ? En effet, malgré l’exigence de l »écoute d’une telle œuvre, nous y sommes retournés encore et encore avec un bonheur constant même s’il n’est pas vraiment aisé de faire autre chose en même temps et que le casque ou le volume déraisonnablement fort sont hautement conseillers.
Le disque doit peut-être en partie sa réussite exemplaire à la variété des profils du trio qui l’a composé et interprété. On y retrouve ainsi Anthony Fleury (Fordamage), Thibault Florent (So-lo-lo / Nist-Nah) et Etienne Ziemniak (Electric Vocuhila / BGZ Trio / Carnalisme). Noise rock, jazz, musiques improvisées, toutes ses influences se mêlent dans Herba Spontanea. Elles lui offrent générosité et  finesse dans les variations qui rendent chaque nouvelle écoute aussi fraîche que les précédentes. Ce croisement apporte aussi une touche très personnelles aux textures qui fait que les lbyrinthes sonores de  Mange Ferraille ne ressemblent à aucun autre.
Vous pourrez également constaté par vous-même, dans la vidéo de live ci-dessus, que l’implication physique du trio est assez remarquable. Cela joue énormément sur l’impact sensoriel qui vous saisit et rend l’expérience si intense et plaisante.
Embarquez donc pour l’odyssée singulière et hypnotique d’Erba Spontanea de Mange Ferraille. A l’heure de l’écoute instantanée et du zapping entre n’importe quel titre qui vous passe par la tête, il est vraiment bon de se faire chopper et plaquer au siège par une œuvre aussi foisonnate qu’unique. Pour notre part, nous scrutons fixement l’horizon pour espérer enfin y apercevoir dans un futur pas trop lointain la possibilité de vivre l’aventure en live dans toute sa sensorielle splendeur.

plus d’1fos sur :
la page de Mange Feraille
le bandcamp de Dur et Doux
le bandcamp de Kerviniou Recordz
le site de A Tant Rêver du Roi
le site de Poutrage Records
le site de Tendresse Records

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