Chronique SFFF : China Miéville

LegationvilleAvice est immerseuse : elle fait partie de ceux qui guident les vaisseaux dans l’immer. Mais elle a choisi de revenir sur Ariéka parce que son mari, Scile, voulait travailler sur la Langue, parlée par les Hôtes, ces êtres incapables de mensonge, ils ne le conçoivent pas. Autrefois, ils ont utilisé celle qui n’était alors qu’une petite fille pour une Comparaison : il s’agissait de lui faire accomplir quelque chose, de pas très agréable mais pas insupportable, pour pouvoir ensuite s’y référer lorsqu’ils s’expriment.
Seuls les Légats peuvent s’adresser directement aux Ariékans. Ce sont des paires de jumeaux qu’on a élevé dans ce but. Aujourd’hui, un nouveau Légat est envoyé par le Brémen. Il va tout changer.

Pour lire China Miéville, il faut accepter l’incompréhension, provisoire. Accepter que les mots désignent autre chose que dans le langage courant. Accepter les néologismes.
Le londonien doit même ici bousculer la typographie : les locutions sont parfois en fractions.
Ceux qui s’accrochent, qui se laissent couler, parcourent des villes, rencontrent des monstres, suivent l’avènement et le déroulé des catastrophes. Il y a plus d’idées là-dedans que dans certaines séries en plusieurs romans : Miéville fait de la SF-prog !
Il arrive même à rendre passionnante la linguistique, sujet principal de son livre. Comment ? Parce que dans les blancs du récit d’Advice, il y a de la tristesse douce, et dans cette écriture une sécheresse belle. Que dit-elle ? Que le plus dur c’est de se transformer en communiquant, que les couples sont de drôles d’objets, l’altérité une chose fuyante et recherchée. Comme les meilleurs moments de lecture.

KrakenAlors on en reprend, puisque les éditeurs s’arrangent pour sortir « Kraken » en poche en même temps que « Legationville » en grand format.

Billy Harrow travaille au Muséum d’histoire naturelle. C’est lui qui découvre la disparition de l’Architeuthis Dux, il s’occupe de l’accompagnement des visiteurs ce jour-là. Le calmar géant a été dérobé. Dane Parnell, un gardien, semble être dans le coup. Trois flics débarquent pour interroger Billy. Ou plutôt deux : Vardy est professeur en psychologie, il assiste le commissaire Baron et Kath Collingswood, constable. Officiellement, leur brigade est chargée de surveiller les sectes. Leur véritable boulot est un poil plus compliqué.
Une enquête, du glauque ? On commence dans un polar. La bascule a lieu quelques dizaines de pages plus loin. Ceux qui tiennent aux étiquettes diront qu’on est dans la fantasy urbaine.
Grotesque et flippant, drôle et érudit, pour nous le qualificatif c’est magnifique. Quand on voit ce que Miéville fabrique quand il invente des mondes, il n’est pas très étonnant qu’il soit capable de ça en partant de la réalité. Il faut une ville : Londres ! Une catastrophe : l’Apocalypse ! Même pas au singulier d’ailleurs. Du monstrueux : il y en aura partout.
On cherche une comparaison du côté de la gastronomie mais ça nous ferait dire qu’il y a trop plein. Du côté de l’architecture, ce serait peut-être trop figé. China Miéville est un jardinier cinglé. Il hybride, greffe, accélère les pousses et démerdez-vous dans cette jungle/forêt/jardin.
Origami sur des humains, anarcho-syndicalisme d’Egypte Antique, i-pod chargé de Queen qui sauve, personnages d’encre (l’autre matière des livres), collectionneur de religions …
N’ayez pas peur. Entrez. Vous cherchiez de l’imaginaire ?

China Miéville
Legationville
490 pages, 21.90€

Kraken
767 pages, 9.80€

un grand coup de chapeau à Nathalie Mège pour la traduction

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