CRA se passe près de chez vous : Témoignage d’Abdoulaye

A quelques centaines de mètres du parc des expositions, proche de l’aéroport, au bout d’un cul-de-sac, loin des regards, se trouve le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Dans ce centre, sont enfermées des personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français que l’administration cherche à expulser. Rien ne leur est reproché sur le plan pénal. Leur privation de liberté est uniquement fondée sur leur situation administrative.

La Cimade, association de solidarité active avec les personnes migrantes, intervient au centre de rétention. L’une des missions que s’est donnée l’association est de rendre visible la rétention et les personnes enfermées afin de dénoncer ce système et exiger la fermeture de tous les CRA. Dans ce cadre, elle recueille les témoignages de personnes retenues afin de faire entendre leur voix.

L’équipe d’Alter1fo a décidé, en collaboration avec la Cimade, de donner une place à ces récits souvent dramatiques puisque, derrière les barbelés et les grillages renforcés, se jouent des drames humains.

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Abdoulaye est en France depuis plus de 10 ans, il y a tous les membres de sa famille et vit avec sa compagne, française, et son enfant. Un matin, les policiers sont venus l’interpeller à son domicile et l’ont menotté et emmené de forces devant sa famille, impuissante. Ayant refusé d’embarquer dans l’avion réservé par la préfecture du Morbihan pour l’expulser en Guinée, il a été enfermé au centre de rétention de Rennes.

« J’ai été menotté devant ma famille. Ils ont voulu m’envoyer à l’aéroport.

Pourtant, je n’ai rien fait de mal… »

Abdoulaye  : « Je suis rentré en France depuis 2008. J’ai demandé l’asile qui a été rejeté par l’OFPRA.

Deux ans après, je suis venu chez mon frère en Bretagne, à Lorient, qui vit avec sa femme et ses deux enfants. Je suis resté en Bretagne avant de rencontrer une femme avec qui je me suis marié en 2013. Depuis mon divorce, la préfecture du Morbihan me donne un récépissé de trois mois quand il veut, et quand il ne veut pas, il ne le renouvelle pas. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant, depuis que j’ai mes papiers à jour en France, j’ai toujours travaillé quand on m’a appelé pour du boulot. Je fais même du bénévolat pour la Cimade de Lorient comme interprète. J’ai toujours été apprécié par mes employeurs et mes collègues de travail. J’ai travaillé dans plusieurs boites d’intérim.

Je ne suis pas un danger public, ni un fainéant. Je ne sais pas ce qu’on me reproche. La préfecture me juge arbitrairement.

Je suis en concubinage depuis 2016 avec une femme d’origine française qui a un enfant dont je me suis toujours occupé quotidiennement. Je ne comprends pas qu’on vienne me chercher chez moi à 7 heures 40 du matin, que le préfet ait saisi le procureur de Lorient pour venir me chercher à la maison, chez moi, avec des boucliers et plusieurs policiers. J’ai été menotté devant ma famille. Ils ont voulu m’envoyer à l’aéroport. Pourtant, je n’ai rien fait de mal.

En plus, j’ai toute ma famille en France. Je n’ai pas voulu monter dans l’avion parce que je ne sais pas où aller en Guinée, je n’ai nulle part où aller, toute ma famille est en France.

Depuis que je suis en rétention, ma famille ne va pas bien du tout. Quant à l’enfant, il est traumatisé de mon absence à la maison. Sa mère ne va pas bien du tout. On me reproche de ne pas m’être marié avec ma conjointe, mais je n’ai pas de papiers à jour. Nous voulons nous marier mais sans papier à jour, on ne peut pas.

Je prie Monsieur le Préfet de me donner une dernière chance, afin de construire quelque chose de sérieux avec ma famille.

Je ne sais pas où aller en Guinée, je n’ai plus personne là-bas. »

Abdoulaye ,
libéré après 60 jours d’enfermement.***

Pour être tenu informé.e.s de ce qu’il se passe au CRA de Rennes, il vous est possible de vous inscrire à la lettre mensuelle, CRA se passe près de chez vous. Vous pouvez également retrouver les podcast des chroniques concernant le CRA de Rennes diffusées sur la radio Canal B.

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