Cartographie du Hip-Hop Rennais – Dup

Placer le hip-hop Rennais sur une carte, donner la parole, petit à petit, à tous ses acteurs, rookies, vétérans, old timer ou jeunes pousses, qu’ils officient en tant que Djs, beatmakers, Mc’s, en groupes, comme beatboxers, réalisateurs, photographes ou clippeurs, et on en passe, qu’ils soient actifs aujourd’hui ou qu’ils l’aient été par le passé, tous contribuent à faire de la scène hip-hop rennaise un vivier foisonnant et bien souvent passionnant. Ce dossier, évolutif, leur est consacré.

(crédit visuel Marion Lépée)

Cette semaine pour notre rubrique, nous recevons Dup, Mc et producteur, artiste atypique dans le paysage hip-hop rennais qui vient tout juste de sortir son nouvel album Eaux Troubles. On parle avec lui de sa longue carrière ainsi que de sa philosophie de la musique, en tant que véritable adepte du Do It Yourself. On l’interroge aussi sur sa vision du milieu et le regard qu’il porte sur la nouvelle scène rap rennaise.

Fiche de présentation

Origine : Ille & Vilaine BZH
Lieux de résidence: Région Rennaise
Blaze/pseudo/nom: Dup / Didier Logan
Crew : La Courte Échelle
Année d’activité: en groupe depuis 1993 / en solo depuis 2013
Genre musical: Hip-Hop mais je produis aussi des titres Dub, Drum&Bass, Electro …
Nombre d’album ou projets: 5 albums avec Percubaba, 1 maxi et 2 albums avec Meilleur Des Mondes, 4 maxis avec Mr Bazick, 1 Album Drum&bass et 1 compile de remix sous le nom de Didier Logan et pour finir Eaux Troubles
Projets majeurs de ta carrière: Tous les projets mais avec un en particulier : Percubaba et ses 800 concerts, partout en France et en Europe avec une structure (Foutadawa) auto-produite avec un tourneur, un distributeur et toute une équipe technique.
C’était quand même 18 personnes sur la route pendant 13 ans.

 

Crédit : Cyrille Bellec

Alter1fo: Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas sachant que tu es un old-timer dans ce game! Tu as fait partie de plusieurs collectifs dont le mythique groupe Percubaba bien connu des Rennais. Peux-tu nous parler de ton parcours relativement atypique dans le paysage hip-hop ? Tu viens du milieu Dub qui certes a des ramifications avec le hip-hop, mais le lien n’est pas évident à la base.

Dup: Salutations Alter1fo et ses lecteurs !

Je vais essayer de faire court, car oui en effet comme j’ai commencé à rapper à 13 ans et que maintenant j’en ai 40, ça peut être long (rires).
A vrai dire, je ne viens pas vraiment de la scène reggae/dub car entre 1993 et 1997 j’ai rappé dans différentes formations rap (influences est coast / limite horrocore un peu dark) et nous faisions des concerts sur St Malo et Rennes (1eres parties, Ubu, Quartiers d’été, …). Enfin bref : on était à fond dans IAM, NTM, Assassin, Public Enemy, Beastie Boys puis Wu-Tang, Mobb Deep, DITC …
En 1998, j’intègre presque par hasard Percubaba qui cherchait des voix et pourquoi pas un mc/toaster. Le groupe débutait et moi j’étais super heureux de faire partie d’un projet où il y avait la possibilité d’amener une vision hip-hop sur des tracks.

Au même moment avec Kc2Phazze et Evil on crée le groupe Meilleur Des Mondes, du hip-hop avec des instrus plutôt sombres. Un peu plus tard on arrive à monter une formule live avec des musiciens (basse, batterie et clavier). Là encore quelques concerts sur Rennes (Ubu, Quartiers d’été) et aussi à Nîmes ou encore l’Ile d’Oléron. On a finalement arrêté en 2009.
En 2006 nouveau projet : Mr Bazick mélange de Dub, de Hip-Hop et de Rock avec dj, basse, guitare, batterie plus les machines et 2 chants. Ça c’est terminé en 2013. Percubaba a aussi fait son dernier concert cette année-là .

Et là… et bien je me suis retrouvé sans groupe ! Mais comme depuis un moment je produisais des sons dont un paquet n’attendait qu’un Mc, je m’y suis collé ! En 2012, j’ai fait un premier disque avec quasiment un invité par titre – un truc familial : V King (X-Makeena), Sophia Tahi, mon home boy Kc2Phazze, Lord Kimo (Asian Dub Foundation), Wendlamita Kouka , Didier (Mr Bazick). Et tout ça à la maison dans mon home-studio, du rec’ au master, j’ai tout fait.

A partir de 2013 j’ai commencé à travailler sur le nouveau disque 1ers Sangs, notamment la compo que j’ai finalement terminée fin 2014 chez El Breizhident dans son studio et qui est sorti début 2015. C’est un disque sans featuring mais avec un beatmaker sur un track : Ludwig Van Dub.

Depuis j’ai bossé sur le nouveau disque Eaux troubles, je m’occupe de mes 2 enfants, taffe à côté car je ne vis pas de la musique. Mais en gros le passage solo, c’est un retour aux sources et au mode de vie « hip-hop » que j’ai toujours défendu dans tous mes projets : Peace, love & havin’ fun…

Pour toi est-ce important de ne pas se cantonner à un style de musique en particulier ? Conçois-tu la diversification comme un must have ?

J’aime les mélanges, mais j’aime aussi les projets avec une identité musicale forte et je pense que l’un n’empêche pas l’autre. Perso, sur un album de 15 titres de rap, si c’est un peu toujours pareil dans les sons et dans les flows, je peux décrocher à l’écoute. Après la base du rap, c’est le sample (même si ça change un peu et qu’il y a de plus en plus de compo). Pour sampler il faut vraiment écouter de tout et être ouvert. En tant que fan de rap j’aime tous les raps : West coast , East coast, à l’ancienne -période 93-, les trucs plus récents : grime, trap, cloud rap, les combinaisons ragga hip hop, le rap français piano triste, les nouveaux qui arrivent de partout… Et sur mes disques solos, je veux surtout faire comprendre ça.

Tous tes projets sont accessibles gratuitement. Pourquoi cette démarche ?

Économique! Trop cher de faire des disques. Et puis c’était surtout pour me faire connaître, démarcher pour trouver des dates, etc … C’est de l’autoproduction et avec internet j’ai trouvé le moyen d’exposer le résultat de mes expériences sans trop me prendre la tête. C’était ça l’idée de départ.

Peux-tu nous parler de ton dernier projet Eaux Troubles sorti tout récemment ?

De la création à la sortie physique cette fois (c’est le premier), c’est 3 ans de boulot entrecoupés par des périodes plus alimentaires (usines, etc). A l’origine il devait y avoir plus de morceaux mais certains sont finalement sur ma dernière sortie numérique La mixtape (2017) et je n’ai gardé que ce qui me semblait cohérent en laissant une bonne place à d’éventuelles nouveautés arrivant en cours.

Comme précédemment, c’est diversifié sans dévier de la charte « rap / Hip-Hop ». Plein d’ingrédients : cuts, scratchs avec Dj Abalkeps et Dj Okay (qui me fait un son aussi), de la basse, des solos de tom, des choristes de ouf en la présence de Blablastar et de Nomad Tom qui rappent aussi sur un track. Du coup avec nous 3, tu as un petit avant goût du futur projet (La Courte Échelle), une nouvel prod’ de Ludwig Van Dub, la présence du L.O.V.E-CREW de Zurich, ma fille Tess sur un morceau, un violoniste fou…

Pour les flows, j’ai essayé de varier… Mais j’admets que c’est plus posé qu’à l’origine. Il n’y a qu’un track où mon côté Captain Cavern ressurgit. Et pour les thèmes, hé bien j’avoue c’est parfois loin de pas mal de trucs qui « marchent ». En même temps c’est clair, c’est du rap de quarantenaire, du « rap de papa » pour citer un grand penseur, M. Gérard Baste. C’est accentué sur le côté Mc looser (genre : « oui, rapper à 40 piges c’est pas un peu la loose? »). J’ai essayé d’éviter les morceaux plus tristes ou introspectifs. Il y a aussi pas mal d’égotrip comme d’hab’ et un track où j’en place quand même une pour tous les fous extrémistes qui nous niquent la vie (NDNM).

La préproduction a été faite chez Ludo, et chez El Breizhident pour le mix final. Pour le master, c’est encore avec Mad Fab et La ZF que j’ai travaillé. Merci à eux parce que je suis très content du résultat final et les premiers retours sont plutôt bons. Il faut aussi noter que je n’aurais pas vraiment pu réaliser tout ça sans la campagne de crowfunding Okpal et tous les soutiens que j’ai eus. Merci à eux !

Quelle place accordes-tu au live dans ta carrière?

Je suis quelqu’un de plutôt introverti et j’avoue qu’entre les morceaux, le blabla, ce n’est pas mon fort. Mais la scène et l’espace scénique, c’est sûrement un des endroits où je me sens le mieux. C’est ma maison pendant le temps du concert. J’adore ça : les tournées, les concerts qui s’enchaînent, avec ton show qui prend de l’ampleur au fur et à mesure des dates, etc… Là pour les prochains concerts on va rentrer en résidence une semaine pour travailler ça comme il faut, avec une partie solo avec backeurs pendant une demi heure. Le reste du temps, nous présenterons le futur du crew La Courte Echelle : autrement 3 Mc’s (Nomad Tom, Blablastar et moi-même) et un musicien/producteur, El breizh’. Le live, c’est vraiment là qu’on voit qui est faux ou qui est vrai, en rap comme ailleurs !

Quelle importance accordes-tu au visuel dans ton travail car depuis un certain temps les clips et l’image représentent 50% du travail pour avoir de la visibilité ?

Voilà on y arrive! Après l’histoire du live et de qui est légitime ou pas dans le « game »… Un gars comme moi des 90’s … Je suis clairement dépassé même en ayant baigné dans la culture clip (Mickael Jackson, Daft Punk …). Je pense qu’on s’est mis dans le crâne qu’il fallait forcément des gros budgets pour faire des massifs clips, etc… Mais non ! Il faut les bonnes idées et maintenant avec un matériel peu coûteux on peut atteindre une qualité de ouf. L’image c’est une étape obligée… Quand avant on se contentait de tourner, de passer en radio et vendre des disques.

Alors on s’y met. Certes doucement. Je n’ai pas encore trouvé une team vidéo attitrée (avis aux personnes que ça intéresse) ni vraiment le budget. Donc ça marche à la connexion. C’est plus lent mais plus fort. Perso je préfère voir une performance live bien enregistrée et bien filmée qu’un beau clip sans histoire ni bonne idée.

Est-ce difficile de percer quand on vient de Rennes et non de Paris où la musique et les contacts sont principalement concentrés ?

Sûrement à une époque peut être… ? Mais avec internet tu peux envoyer du lourd sans quitter ta chambre. Là où avant il fallait faire 4 fois le tour de la France en 10 ans pour espérer à un moment toucher Paris… Après, si on prend l’exemple de Rennes : pour le rap, même s’il y a une scène avec des artistes qui défoncent depuis longtemps, il manque cruellement des structures dédiées -type producteur de spectacle, labels…- (ils sont où ? ) et autres… On ne peut pas avancer avec seulement les structures de la Ville ou du Département. Mais ça bouge un peu : il y a quand même Dooinit ou les Urbaines maintenant ou encore les soirées de Casta au 1988 par exemple. Mais c’est trop peu. Un truc comme Back in a day à Rennes ce serait mortel.

Quelles sont tes attaches avec la ville de Rennes et comment trouves-tu l’évolution de la scène locale depuis tes débuts ?

A Rennes, il y a du talent : on a parmi les meilleurs danseurs de France voire du monde. Les djs, je ne t’en parle même pas : des champions de France, des champions du mond,e etc… Quand j’ai commencé, on était peu : Mystica Teacha, Factor X, La franche Connexion, T5A, déjà dj Netik, il y avait des connexions entre Rennes, Nantes et Angers avec le label Bastion. Après, ça c’est calmé ou alors je n’ai pas suivi. Je me suis retrouvé dans une nouvelle période avec des groupes comme Micronologie avec qui on a fait des sessions freestyle au Jardin Moderne, des émissions de radio : Nex Rezo ou C fran&direct, mais le hippy hop à Rennes, ce n’était pas violent.

Maintenant on entend partout que c’est le rap qui cartonne plus que tout le reste en festival, à la radio, sur internet. C’est le moment, quoi ! Il y a plein de bons trucs ici ! Comme je l’ai dit, il y a les artistes et les gens pour le faire. Une grosse visibilité sur la ville avec Colombine ou Lorenzo, des Mcs « end of the week », un mec comme Simba qui bosse avec Jimmy Jay, des fous hors cadre comme Reta, le projet de Rekta qui est quand assez unique en France. Enfin bref, il y a beaucoup de saveurs à Rennes.

La question que tu aimerais que l’on te pose et y répondre ?

C’est quoi la suite ?

Alors j’espère tourner un peu avec ce disque. J’ai déjà 2 dates prévues cet été mais on arrive juste, donc je vise plus à la rentrée (Rennes ?)… On attaque une résidence pour travailler sur le show. Je dis « on » car sur scène, je serai accompagné de Nomad Tom (autre old timer Rennais), de Blablastar et de El Brezidhent pour le son. Ces 3 personnes et moi formons le groupe La Courte Échelle et nous allons aussi jouer de futurs morceaux, avec pas mal d’inédits, et bien sûr les tracks du nouveau disque et quelques anciens. Je ne pense pas refaire un album solo de rap ! Faire de la musique avec les amis, comme ce que l’on vous prépare avec La Courte Échelle, c’est l’avenir. Un retour en bande et ça va fumer ! Promis : ça rappe, ça chante et c..

Le mot de la fin ?

Merci de votre intérêt pour mon projet, Merci à tous les contributeurs Ok Pal, à tous les participants de près ou de loin au disque, la Team Yanna prod et tous les soutiens (amis, famille, collègues,….)

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De plus vous trouverez ci-dessous notre carte interactive regroupant tous les artistes par quartier, ainsi qu’une fiche présentation de chacun d’eux et les liens vers leur article respectif :


 

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