Bouillants #3 : Interview numérique

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Le lieu en lui-même se trouve facilement. Un petit tour sur le site, aidé par un fléchage conséquent et le tour est joué. On est juste un peu décontenancé de se garer au milieu d’un imposant troupeau de semi-remorques. Guidés encore par les flèches jaunes, nous arrivons en un lieu atypique et intriguant qui se révélera pourtant totalement adéquat à la variété d’une sélection aventureuse d’œuvres.
Sophie Batellier, attachée de communication et de production nous y reçoit.

DSC_0817Alter1fo : Pour commencer, pouvez vous nous présenter le festival ? Comment et par qui a-t-il été créé ?

Sophie Batellier : Bien sûr, le festival Bouillants prend son nom du lieu dans lequel il s’installe, de son point d’ancrage. C’est une ancienne laiterie qui date du 19ème où étaient coulés les premiers fromages Bridel. Il y a donc aussi eu des fromages qui  portaient le nom de Bouillants.
C’est la SARL Saga qui est venue s’y installer en 2008. C’est une société qui est spécialisée dans la décoration, la scénographie événementielle. Par exemple, c’est Saga qui gère la décoration des Trans-Musicales. En 2009, ils se sont dit qu’il serait intéressant d’investir ce bâtiment en prenant le parti pris de s’intéresser aux arts numériques. Mais Saga ne pouvant pas porter le projet toute seule, elle s’associe à une association s’appelant le milieu. Cette année là, a pu donc partir la première édition des bouillants qui avait pour thème : Un regard sur la nature. Il n’y avait, je crois, que cinq œuvres de présentées. C’était vraiment au stade de démarrage, à petite échelle. A chaque édition, une nouvelle thématique. Le but étant de donner un aperçu de ce que sont les arts numériques et multimédia. De comment ça se fait, mais surtout de faire que ce ne soit pas trop distendu et de s’attacher à un fil conducteur.

Oui, parce que les arts numériques, on ne voit déjà pas trop de quoi il retourne et surtout ça à l’air de couvrir un champ énorme.

C’est difficile de définir arts numériques quand on peut déjà très difficilement définir ce que sont les arts. Donc Arts numériques, c’est plutôt le médium par lequel passe l’intention d’un artiste. Il y a une palette d’outils absolument fabuleuse. Ça permet des possibilités énormes et qui sont vouées à évoluer sans cesse. On propose à un instant t, un arrêt, une pause sur ce que sont les arts numériques mais demain ce sera tout à fait autre chose. Numérique, c’est le son qui est numérique, c’est la vidéo, ce sont les logiciels, la photographie aussi qui s’adapte aux nouvelles technologies… je m’écarte peut-être un peu.

Rien de bien grave, on revient juste un peu sur le festival. Comment est-il financé ?

Le festival est pratiquement financé à 100% par des fonds publics.  Pour être précis : lesBouillants bénéficie d’aides publiques (Rennes Métropole en tout premier lieu, Région Bretagne, Villes de Vern-sur-Seiche et de Rennes, Conseil Général 35, Fondation Pro Helvetia, État et Ville de Genève) et d’aides issues de partenaires privés (Banque Populaire de l’Ouest, Assurance Axa, Bretagne Ateliers, Signavision, Rayteam, Solleil, Chat Noir Impressions, Capex Conseils, Platoons, Net Agence, Keolis Armor, Hôtel Les Marais) ».

DSC_0818Alors le  thème, le premier c’était : «Un regard sur la nature », le second : «Voir, se voir et être vu» qui paraît plus naturellement lié aux arts numériques. Alors que cette année c’est le corps.

Oui, le thème exact, c’est le corps dans le numérique. Comment l’enveloppe qu’on a tous, qui définit notre identité, peut être représentée par les arts numériques ? Se poser la question de comment on traite du corps ? De quelles façons on le représente ? Quelles formes ça peut avoir ?
Là sur l’affiche on s’est juste attaché à la simple empreinte digitale mais le corps peut prendre plein de formes. Vous le verrez, le corps est soit traité d’une façon brute : on parle du corps donc on le voit. Soit ça va être notre corps à nous qui va donner vie à l’œuvre. A part une installation qui est assez contemplative, la grande majorité des œuvres ont besoin d’être activée pour exister. Là, ce n’est plus : «Merci de ne pas toucher», c’est «allez-y, touchez et pratiquez les». Elles ont besoin de vous pour vivre.

C’est intéressant, parce que c’est à la fois une limite et une force de l’art numérique : qu’est ce qui est juste de l’interaction et à quel moment ça devient de l’artistique ?

Après l’artistique, il est là dans le concept. C’est toujours un concept auquel l’artiste va donner forme. C’est juste son idée. Qu’elle plaise ou pas. Qu’elle soit esthétique ou non. C’est vraiment l’idée qui prévaut sur la forme qui en découle. On peut donc évidemment se poser la question, spécialement en art contemporain.

Sur le site, on peut voir tous les lieux qui accueilleront des œuvres et la liste est assez impressionnante : 15 endroits différents à Rennes, Vern-sur-Seiche, Saint-Brieuc, Quimper… D’où vient ce désir de nomadisme ?

L’idée en effet, c’est qu’on fait en sorte que les gens viennent vers nous mais que ce soit essentiellement nous qui allions à leur rencontre. On parle d’art numérique, donc plus ou moins d’art du quotidien mais le but du jeu c’est aussi de pouvoir en parler et de susciter des discussions. De susciter des actions de citoyenneté, pour faire un point sur ce que sont les arts aujourd’hui. Provoquer la rencontre. Allez chercher les publics.
On part donc un mois à Vern-sur-Seiche qui est un peu le cœur du festival. Mais on s’installe dans tout Rennes métropole. Il y a une œuvre depuis le 21 mars à la MJC du Grand Cordel. Le 20 avril commence une exposition durant 10 jours au Jardin Moderne autour d’œuvres réalisées par des étudiants. Il y a un partenariat qui est initié depuis le début, avec les étudiants chercheurs puisque nous ça nous intéresse aussi de savoir ce qu’ils peuvent proposer et ça peut leur servir également en retour. On expose aussi à la cantine numérique rennaise, aux Champs-libres et puis il y a également un partenariat avec Scopitone et Electroni[k] autour d’un artiste.
On est sur Rennes métropole jusqu’à mi-mai après quoi on va s’installer à la MJC du plateau à Saint-Brieuc. Du 7 au 30 juin, on sera aussi à Saint-Brieuc dans le cadre du festival Art Rock qui est assez précurseur en arts numériques. Ça a été initié l’année dernière, mais là ce sera de manière d’autant plus forte puisque 10 œuvres seront présentées au 7bis. C’est un studio qui est prêté par une compagnie de danse. En juillet-août, nous irons potentiellement sur Quimper.
Je vous invite à aller sur le site qui est nourri presque quotidiennement de nouvelles.

En tout, on pourra voir une vingtaine d’œuvres d’artistes de plein de nationalités. On voit que ça s’est vraiment élargi par rapport à l’année dernière. Comment se passe la sélection des œuvres ?

La sélection des œuvres peut se faire par bouche à oreille. Après, c’est vrai que tout passe par l’élément fondamental : Internet.

Spécialement en arts numérique. Quand on fouine un peu sur le site, il y a tous les liens vers les sites des artistes et c’est assez impressionnant de voir tout ce qu’il est possible de voir.

On voit aussi ce qui se passe sur les festivals et on est inscrit à toutes les newletters et à tous les réseaux où ça circule.

DSC_0819Et par rapport au thème, c’est le thème qui fait que vous allez chercher les œuvres ou ce sont les œuvres qui font le thème ?

En fait, on a sélectionné au début une liste de 25 artistes avec des choses qui étaient en écho avec la thématique. Ensuite ce sont des décisions collégiales qui font que l’on retient ou pas. Après, il y a aussi des artistes qui entendent parler de Bouillants et qui nous font des propositions. Ça commence un peu à s’installer. C’était rigolo parce que pour avoir Body Paint de l’anglais d’origine turque Mehmet Akten, nous l’avons contacté et il ne nous a pas répondu tout de suite. Nous avons donc du le tanner un peu pour qu’il nous dise oui on non. En fait de lui même, il s’est dit : « Je vais d’abord me renseigner sur ce festival, qui sont les artistes qui sont venus précédemment » et il a fini par nous dire : «Oui, oui, absolument».
C’est donc d’abord notre réseau mais c’est aussi le leur. Même si les arts numériques, c’est très ouvert, les artistes sont une vraie communauté.

Pour finir, on peut évoquer une des contraintes de l’art contemporain, c’est que l’on a souvent besoin d’aide pour appréhender les œuvres. Vous avez fait le choix de ne pas mettre de notice d’intention alors comment qu’on fait ?

Avant d’occuper ce poste, j’étais médiatrice et je vois très bien comment ça se passe. Ce qui n’est pas toujours évident, c’est quand nous même, on doit présenter des œuvres qu’on n’arrive pas à saisir. L’idée, c’est que les médiateurs ne sont pas là pour apporter des réponses. On est là pour faire des propositions et instaurer un dialogue. Moi je sais que c’est justement en parlant avec les gens que j’arrive à avancer, pas dans la pensée de l’artiste mais dans ses intentions. Après, c’est voulu qu’il n’y ait que le titre de l’œuvre, le nom de l’artiste et sa nationalité.

Même pas les dates d’ailleurs, ce qui oblige à se demander face à certaines œuvres si elles datent ou si l’artiste a volontairement fait le choix du rétro.

C’est justement là qu’il faut poser la question au médiateur. Par exemple, dans l’œuvre Psychotic room où on est projeté dans une cellule capitonnée par l’intermédiaire d’un casque virtuel, je trouvais la mise en image très désuète par rapport à ce que l’on peut faire aujourd’hui. C’est totalement voulu par l’artiste. Ça peut aussi rappeler que ça a commencé depuis un certain temps et que c’est passé par là à un moment. D’autre part vous avez The Janus machine, l’œuvre qui est aux Champs-libres qui scanne votre visage en 3D et le mixe avec d’autres, qui est à 100% actuelle. On les devine de toutes façons celles qui sont moins récentes donc l’absence de date ça ne me dérange pas.
Il ne faut donc surtout pas hésiter à aller vers les médiateurs. Il y en a toujours deux dans l’espace. On va essayer de faire qu’il en y ait deux et demi (Rires).  On les repère facilement avec leur badge et de toutes façons, c’est eux qui viendront volontiers vers vous.

Également sur Alter1fo, un inventaire subjectif et foutraque pour vous donner une (petite) idée de ce que l’on peut voir à Bouillants #3.

Informations et renseignements pratiques sur le site du festival.

CALENDRIER :

Du 9 avril au 8 mai 2011 : Bouillants #3 au site Les Bouillants, à Vern-sur-Seiche. Médiation ambulante et sur réservation.
Exposition des œuvres réalisées par le Master 2 Arts et Technologies du Numérique.
Installations sur les sites du Volume, à Vern-sur-Seiche; les Champs Libres, à Rennes et la Cantine Numérique Rennaise.

Du 20 avril au 4 mai 2011 : Bouillants #3 au Jardin moderne, à Rennes. Exposition des oeuvres du Master 1 Arts et technologies du numérique, Rennes 2.

Du 7 au 13 juin 2011 : Bouillants #3 au festival Art Rock, à Saint-Brieuc.

Du 7 au 30 juin 2011 : Bouillants #3 au 7 Bis, à Saint-Brieuc.

Mai, juillet et août 2011 : Bouillants #3 à Quimper (sites d’exposition en études).

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