BD en septembre : rentrées buissonnières

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On commence par une collaboration originale et diablement intéressante.
Les connaisseurs de l’œuvre de David B. savent qu’en dehors de ses penchants pour l’autobiographie, les feuilletons étranges et l’onirisme, il s’intéresse aussi à l’Histoire. Dans les deux tomes de Par les chemins noirs, il mélangeait faits historiques et romanesques pour parler de l’utopie anarchiste dans la ville de Fiume dans l’Italie de 1919.

lesmeilleursennemisC’est aujourd’hui avec Jean-Pierre Filiu, historien spécialiste de l’Islam contemporain, qu’il s’attaque à la passionnante histoire des relations ambiguës entre Etats-Unis et Moyen Orient.
Dans le premier tome de Les meilleurs ennemis, c’est la période entre 1783 et1953 qui est couverte. Du bras de fer avec les pachas pirates de la Méditerranée, jusqu’à l’organisation du coup d’état iranien et la fin des puissances coloniales européennes, le récit est captivant et apporte surtout un éclairage bienvenu sur l’actualité récente.
A l’exception d’une introduction mélangeant malicieusement légende babylonienne et bellicisme républicain, l’album est assez linéaire. Filiu raconte chronologiquement et David B. illustre son propos. L’ensemble reste pourtant très agréable, principalement grâce à la puissance, l’ingéniosité et l’inventivité des trouvailles graphiques de l’illustrateur.
On attend donc la suite de pied ferme.

Chez Futuropolis, août 2011,  115 pages, 20 €

unprivealacambrousseOn saute de l’aigle au coq sans préavis. Ceci pour vous faire faire découvrir les épatantes aventures d’Hubert, le détective privé campagnard de Bruno Heitz. Gallimard vient de compiler ses trois premières albums, initialement publiés entre 1996 et 1998, en un épais volume intitulé : Un privé à la cambrousse, que vous dévorerez pourtant avec délice et d’une seule traite.
On y découvrira donc l’origine de la vocation de cet improbable Sam Spade à beret, ses premières enquêtes menées avec un imparable mélange de roublardise et de maladresse, ainsi que les plus retorses affaires de la disparition du vendeur ambulant et du bolet de satan.
Ne nous laissez pas abuser par le dessin bonhomme et rondouillard, tout ça est fait avec une maitrise narrative diabolique. Chaque histoire, de la plus courte à la plus complexe est un régal d’humour vachard et de tendresse. Sans misérabilisme, ni naïveté, Heitz mitonne une série de petits polars ploucs avec une efficacité stupéfiante et une subtilité tout à fait réjouissante.

Chez Gallimard, avril 2011, 336 pages, 21 €

portugalLes chanceux ayant lu son splendide Trois ombres, attendaient avec les mains et les genoux qui tremblent, le nouvel album de Cyril Pedrosa. Il s’appelle Portugal, et avec son grand format et ses 261 pages, il est sacrément intimidant.
Ce qui était remarquable dans Trois Ombres, c’était la façon de mélanger une fable fantastique avec des choses très intimes et émouvantes. Dans ce nouvel album, le personnel déboule de manière plus évidente. Il s’agit de l’histoire de Simon, dessinateur trentenaire en pleine crise créative, qui est un jour invité dans un festival de BD portugais. Ces quelques journées dans le pays qu’avait quitté son grand-père en 1936 pour venir en France pour n’y revenir que brièvement et quarante années plus tard, vont profondément le bouleverser et l’amener à questionner ses origines, son identité et son histoire familiale.
A partir de ces éléments très proches de sa vie, Pedrosa construit une fresque fictionnelle intime, sensible mais aussi ample et libre. L’ouvrage est découpé en trois parties : Selon Simon, Selon Jean et Selon Abel. Le fils, le père et le grand-père. Trois générations donc pour approcher un état de sensibilité et de mélancolie, une certaine difficulté à vivre commune à ses trois hommes.
Le confortable nombre de pages permet à l’auteur de tenir un rythme atypique et lancinant tout en s’offrant le luxe d’avoir le temps de développer à loisir chaque partie avec notamment un mariage central assez jubilatoire. Merci à l’évolution des pratiques éditoriales de nous permettre de lire ça d’une traite plutôt qu’en trois volumes séparés.
Graphiquement, le livre est tout simplement époustouflant. A partir de crayonnés foisonnant de détails, Pedrosa ajoute ensuite des couleurs directement. Ceci lui permet une variété de ton très impressionnante. Alternent donc splendides transparences, monochromies, explosions saisissantes, mises en valeur de détails… un vrai festival !
Une très belle BD donc, dont on se surprend à y revenir, pour relire certains passages voire feuilleter quelques pages au hasard tant on a encore envie de prolonger le plaisir.

Chez Aire Libre, septembre 2011, 261 pages, 35 €

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Une fois n’est pas coutume, vous avez droit à un petit bonus.

Si vous ne connaissez pas encore la belle série d’aventures historiques : Le Grand siècle, la sortie du troisième tome vous donne une nouvelle occasion de vous y mettre.
Seul aux commandes, Simon Andriveau joue à fond la carte des péripéties à la Dumas : personnages haut en couleur, rebondissements, trahisons, drames opératiques… tout y passe, avec un bonheur constant. Surtout que le graphisme du monsieur opère une virevoltante évolution entre les tomes vers un dynamisme brumeux et puissant qui prend toute son ampleur dans un troisième volet consacré à Moplai, le ténébreux sicaire balafré dont l’histoire tourmentée nous est ici dévoilée dans toute sa dramatique démesure.

Chez Delcourt, août 2011,  46 pages, 13,50 €

2 commentaires sur “BD en septembre : rentrées buissonnières

  1. Julien

    Je n’ai pas lu le Bruno Heitz, mais je partage l’avis de Mr.B. (rho le fayot) pour les 3 autres !

  2. Mr.B.

    Merci monsieur le flagorneur. ; )
    Chronique d’octobre, jeudi prochain.

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