Art Rock : vendredi 25 mai

artrock0Ça y est, la valse des festivals a (enfin) commencé ! Le festival Art Rock, situé en plein cœur de Saint-Brieuc, mène la danse. C’est le premier festival de l’été et l’une des attractions phares de la ville.

Pendant trois jours, tout Saint-Brieuc met le pied à l’étrier. La journée, la ville se transforme en une scène à taille urbaine. Au programme, spectacles de rue, expositions d’art numérique, concerts par les musiciens du métro et petit « village » aménagé. Et ce ne sont pas que les festivaliers qui en profitent, ce sont aussi les habitants. La journée, tous les concerts et expositions sont gratuits. S’enchaînent trois soirées de concerts et de spectacles dont Panorama de Philippe Decouflé et Zombie Aporia de Daniel Linehan. En « off » de la Grande Scène, trois concerts sont prévus au forum la Passerelle chaque soir ainsi qu’Artbis’trock, le festival dans les bars façon Bars en Trans. Pendant toute la durée du festival, Alter1fo est sur place. Hier soir, le vendredi 26 mai, la soirée a montré l’exemple à suivre pendant les deux prochains jours : un week-end de véritables spectacles, de découvertes et aussi de déceptions, sous un soleil et une chaleur bien présente.

Pour sa vingt-neuvième édition, le festival Art Rock a choisi une programmation éclectique, pour plaire au plus grand nombre, tout en choisissant majoritairement des groupes français de tout bord, en passant du rock à la pop et à l’électro. Certains groupes sont d’outre Atlantique, d’autres ont traversé le Rhin. Ce vendredi, on est passé du hip-hop à la sauce américano-germanique, à la soul des « roots » d’Amérique du Nord tout en faisant un détour par la pop-folk de Charlie Winston, l’univers décalé et fantastique du groupe Dionysos et de l’électro’ d’Etienne de Crécy.

Une première cette année, la Grande Scène auparavant couverte est, désormais, enlevée. Sur les réseaux sociaux, le festival Art Rock justifie la chose par le message suivant : « La Grande Scène du festival s’agrandit et ne sera pas couverte pour une meilleure acoustique des concerts, ce qui nous permet aussi de nous adapter aux contraintes techniques des artistes et d’accueillir la structure Beats’N’ Cubes d’Étienne de Crécy ! » Une initiative qui agrandit largement l’espace autant pour le public que pour les groupes mais il peut y avoir un revers de la médaille si le temps n’est pas favorable.

(Re)découverte étonnante et drôle : Puppetmastaz

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Heureusement, la soirée du vendredi a commencé sous le soleil. Le groupe Puppetmastaz a lancé le festival sur les chapeaux de roue ! A la conférence de presse qui s’est déroulée après le concert, Mr. Maloke, une taupe à long nez (enfin sa marionnette !)  confie que, désormais, « la fête a commencé ! ». Groupe allemand de hip-hop, Puppetmastaz est composé uniquement de marionnettes. Elles sont le groupe. Et ce ne sont pas les chanteurs qui le constituent. Fondé dans les années 90, Puppetmastaz est à l’initiative de Mr. Maloke et compte, en 2012, entre 25 et 35 personnages de marionnettes. Après une séparation en 2009, les « maîtres des marionnettes » se sont reformés cette année pour la sortie d’un nouvel album, en mars dernier, Revolve and Step Up.

Sur scène se dresse une table tapissé d’un drap violet et blanc où six marionnettes surgissent en fonction des chansons. On peut y voir une taupe, un chien, un lapin ou une créature hybride qui font furieusement penser au Muppet Show, créé dix ans auparavant. Dans les textes, rien de bien original. L’intérêt de Puppetmastaz est le biais par lequel les chanteurs font passer le hip-hop, des marionnettes « animales ». Mr. Maloke confie que, d’après eux, « les animaux, les marionnettes que l’on trouve dessinés dans les graffitis sur les murs ont besoin de s’exprimer ». Entre chaque chanson, les Puppetmastaz font des saynètes où le futur est explicitement évoqué. Pour ce faire, les marionnettes de R2D2 et de Yoda interviennent. Cela étonne et fait rire. « Il ne faut pas avoir peur du futur », expliquent deux chanteurs du groupe. Le faible public mais bien présent compte, dans la fosse, quelques fans. Au troisième rang, quatre personnes, marionnettes à la main, les ont agitées durant toute la durée du concert. Les Puppetmastaz les ont même interpellées. Chansons qui bougent et bonne ambiance, il en a fallu de peu pour que le public lève les mains et se mette à faire des pogos.

artrock2Coup de cœur : Sharon Jones & The Dap-Kings

Après un concert qui a donné envie de bouger, avoir mis une chanteuse et un groupe de soul américain paraissait osé. Plus confiné aux bars de jazz, la configuration chanteuse accompagnée de deux choristes et de cuivres, guitare et batterie s’est tout de même très bien prêtée à cette grande scène. Le groupe s’était déjà produit à Art Rock, il y a dix ans, à ses débuts. En effet, The Dap-Kings s’est formé en 2010 après la séparation de The Soul Providers. Ce groupe américain revient à l’une des origines musicales de son pays, le Rythm and Blues. Les initiales de ce mouvement R&B sont synonymes de « musique populaire afro-américaine » (Source : Wikipédia)

Voix sensuelle et cassée à la Janis Joplin, Sharon Jones arrive tout de même à attirer l’attention du public par son dynamisme. Plusieurs personnes dansent, d’autres applaudissent. Avoir mis ce groupe sur le temps du repas, aux alentours de 19 heures, a été un bon compromis. Ce type de musique qui se trouve entre improvisation et musique minutieusement chronométrée, s’écoute aussi bien à un festival, en mangeant une galette complète, que chez soi. Cela a été une belle découverte qui promet d’être tout aussi bien sur CD. Sharon Jones and the Dap-Kings a l’air de se plaire sur la scène car elle dépasse d’un bon quart d’heure les horaires indiqués, un retard que le festival palliera en fin de soirée pour le live d’Etienne de Crécy.

artrock3Déception : Charlie Winston ne se déride pas

Une demi-heure plus tard, lorsque je venais de m’asseoir pour me reposer, des cris de filles ont retenti. Une meute commence à courir vers la scène. Ça y est, me dis-je, Charlie Winston prend place sur scène ! Il était, comme j’ai pu le voir, très attendu (par la gente féminine). Le beau trentenaire à l’allure « bobo bohème », coiffure désordonnée et tenue impeccable, était l’une des têtes d’affiche de la soirée, si ce n’est la tête d’affiche. Au vu du nombre de photographes dans la fosse et le nombre d’hurlements féminins, son succès est sans conteste.

Charlie Winston commence une heure de concerts par des chansons de son deuxième et dernier album, Running Still. Dans le premier album Hobo, sorti en 2009, les chansons étaient joyeuses et rythmées contrairement à son deuxième qui, lui, évoque rupture amoureuse, tristesse et solitude. Seulement deux albums en poche et déjà des chansons phares dont tout le monde connaît les mélodies, Like A Hobo, Kick The Bucket, In Your Hands, pour le premier album et Hello Alone, Where Can I Buy Happiness ?, pour le second.

A chaque tube, l’ambiance augmente, les décibels aussi. Le public danse, chante, s’embrasse. Oui, les chansons du beau chanteur ont l’air de donner envie aux couples de s’enlacer. Mélangeant guitare électrique et piano, Charlie Winston montre qu’il manie aussi bien les instruments que son show. Tout est chronométré. Sa dernière chanson, I Love Your Smile, est une ballade amoureuse. De quoi rafraîchir un peu l’ambiance. Piano, saxophone, le « poète itinérant s’émancipe d’une image folk visiblement trop étriquée pour un artiste aussi éclectique », est-il écrit sur les lignes de présentation du programme. Un concert très bien rodé, voire un peu trop, plaisant mais sans plus.

artrock4Un Mathias Malzieux surchauffé

Comme l’a écrit Ouest-France sur sa version internet ce matin, le groupe Dionysos a « enflammé Saint-Brieuc » ! Pas littéralement mais presque. C’est un groupe que je n’avais jamais vu en concert. Et cela vaut le détour. Fondé en 1993, Dionysos a désormais une place parmi les groupes français sans pour autant se classer dans la « chanson française ». Leurs chansons, mélange de français et d’anglais, sont habitées par Mathias Malzieux, chanteur du groupe et écrivain. Ainsi, il joue avec la langue à la perfection (Tes Lacets Sont Des Fées). A partir de deux livres Monster in love et La mécanique du cœur, Mathias Malzieux crée tout un univers fantastique autour de son groupe. Fées, sorcières, Giant Jack, John McEnroe ou autre créature sortie de l’imagination du chanteur, toutes font l’objet de noms de chansons. Décalé et dynamique, le groupe Dionysos a en somme un univers … dionysiaque. Un nom de groupe n’a jamais aussi bien collé à la peau. Elisabeth Maistre, alias Babet, musicienne et chanteuse du groupe, habillée d’une robe noire et blanche à pompoms, commence le festival en s’acharnant sur son violon en rythme avec la batterie.

Après leur entrée avec la chanson John McEnroe, Mathias Malzieux annonce que c’est leur troisième passage à Art Rock et prévient le public, « il faudra faire mieux que les deux premières fois ! » Mieux je ne sais pas, mais très bien, c’est chose faite. Mathias Malzieux chante, saute et fait même du sport : il s’essaye à la chandelle. En clair, il se donne à fond. Il n’hésite pas à plaisanter avec le public. Une jeune fille lui offre une madeleine. Il laisse monter une dizaine de personnes sur scène danser avec lui. Derrière moi, cela fait une envieuse.

Le troisième passage du groupe Dionysos fait la promotion de leur dernier album, Bird’n’Roll, sorti en mars dernier. « Let’s bird’n’roll ! » clament Babet et Mathias Malzieux. Ce dernier arbore, d’ailleurs, une tête d’oiseau à l’allure de corbeau. Le chanteur se jette dans la foule trois fois, traverse tout le public tant bien que mal pour arriver à l’installation qui se trouve de l’autre côté, prévue pour les personnes à mobilité réduite. Il escalade, y fait un tour et repart. Pendant ce temps, le groupe improvise et n’hésite pas à laisser grincer les cordes des guitares. Malgré la fatigue qui se perçoit dans le public, les pompiers obligés d’intervenir et les nombreux aller-retours des personnes, Dionysos met l’ambiance à son summum. Ce groupe que je connaissais seulement de nom avec ses tubes Song For Jedi, Tais-toi Mon Cœur et le livre La mécanique du cœur, a prouvé qu’il pouvait transformer ses chansons aux mélodies douces en pur « rock’n’roll ». Un concert qui a donné le La pour les soirs à venir, dynamisme, interaction avec le public et, surtout, du Rock !

artrock5L’ultime concert était la prestation d’Etienne de Crécy, bien connu dans le monde électro’ français. Son installation « Beat’n’cubes », grand bloc formé de carrés, changeait de couleur à chaque son différent. Pour les chanceux qui ont vu Amon Tobin, début mai, ce n’est pas du tout la même chose. Beaucoup moins impressionnant. Tout ce que je peux dire, c’est qu’un live d’électronique, en général, ne se raconte pas mais il se vit ! Et d’après les impressions que j’ai pu voir sur les réseaux sociaux, cela a été apprécié !

Malheureusement, je n’ai pas pu voir les Mansfield.TYA au forum La Passerelle, qui passaient à la même heure que Dionysos. D’après un tweet, c’était « le meilleur concert » de ce vendredi. Je ne doute pas que cela ait été très bien ! (Voir interviews : ici et )

Merci à Gwendal Le Flem pour ses superbes photographies !

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