40mcube : Use once and destroy de Stéphanie Cherpin

40mcube_stephaniecherpin_2_low40mcube présente jusqu’au 18 décembre l’exposition Use once and destroy de Stéphanie Cherpin. Entre assemblage grunge de matériaux hétéroclites et ruine en suspension, la sculpture monumentale de l’artiste est saisissante.

Stéphanie Cherpin semble avoir la bougeotte. Après une prépa littéraire et un début de cursus en sciences politiques, elle décroche un master en philosophie à l’université de Nice. Elle entre ensuite à l’école des beaux-arts de Bordeaux dont elle obtient le DNAP en 2005. Enfin, en 2007, elle passe avec succès le DNSEP de l’école des beaux-arts de Marseille. Ses œuvres témoignent aussi de ce débordement d’énergie. À 40mcube, c’est une nouvelle sculpture, immense, qui se déploie dans la totalité de l’espace. À la fois vestige résultant d’une tempête aux goûts d’esthète et assemblage de matériaux passés à la moulinette d’une réjouissante bacchanale grunge, l’œuvre surprend et impose ses formes expressives.

Arrêt sur image.
Avouons-le : l’œuvre de Stéphanie Cherpin, intitulée Move on over here, slow it down (titre emprunté aux paroles du morceau No queen blues de Sonic Youth), n’est pas de tout repos. Quel cataclysme a pu provoquer cet enchevêtrement de matériaux ? Certains semblent en suspension, maintenus à la charpente du bâtiment par des cordes au bord de la rupture ; d’autres, à bout de souffle, s’étalent sur le sol ou se tordent pour trouver un équilibre précaire. Des sortes de poutres noires se dressent témérairement dans l’espace, seules rescapées de l’apocalypse.
Ce sont donc des ruines qui nous sont données à voir… à moins que l’artiste ne soit parvenue à suspendre le cours du temps. Car rien ne nous permet de savoir si nous arrivons après la tempête ou au beau milieu de celle-ci. Dans ce dernier cas, le visiteur a l’impression de déambuler autour de la sculpture alors même que celle-ci est en train de s’effondrer.
La violence de l’œuvre, sensible au premier abord, est donc toute relative. Que nous soyons les spectateurs d’une destruction un instant figée ou face à des vestiges, c’est bien la contemplation qui est privilégiée. Ce que suggère d’ailleurs fortement le titre, Move on over here, slow it down, véritable invitation à la déambulation.
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Flash back.
Comment s’est construite cette sculpture ? Le processus est des plus simples. Stéphanie Cherpin s’intéresse aux espaces anonymes situés à la périphérie des villes : lieux de stockage, zones commerciales où pullulent des magasins partout identiques. C’est là qu’elle se procure la matière première de ses œuvres. Privilégiant les matériaux préfabriqués, elle cherche avant tout à nouer un dialogue avec eux. Elle le dit d’ailleurs clairement : plutôt qu’un rapport de sujet agissant sur des objets inertes, elle veut établir une relation d’égal à égal, considérant que la matière a autant à dire que l’artiste qui la manipule. L’intérêt de Stéphanie Cherpin pour l’animisme n’est donc pas étonnant. Pour être tout à fait précis, parlons d’un animisme qui ne se limite pas au domaine du vivant mais s’étend à l’ensemble des objets qui composent le monde.
Une fois choisis, les matériaux subissent une longue étape de transformation, la plupart du temps violente. Tronçonneuse et meuleuse sont de sortie. Dans un vacarme infernal, l’artiste taille, découpe, déchire, perce, perfore et démolit allègrement sa matière première. Toutefois, ne voir là qu’un défouloir dionysiaque serait une erreur. La destruction est une réjouissance qui n’est pas la finalité du travail de Stéphanie Cherpin. Elle répond plutôt à une nécessité induite par le matériau : faire voir ce qui est déjà là, mais dissimulé.
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Le révélateur.
L’artiste cherche en effet à faire émerger ce que contient le matériau qu’elle s’approprie. Les éléments en bois qui se dressent dans l’espace d’exposition sont de parfaits exemples de ce procédé. Il est difficile de ne pas voir dans ces traverses de chemin de fer un aspect totémique. L’artiste les a attaquées à la tronçonneuse, y creusant des motifs rectilignes qui laissent supposer une représentation symbolique. Mais si on atteint ici un paroxysme, il est évident que ces traverses ont déjà cette forme de totem à l’état brut, avec leurs sillons taillés par l’érosion. On peut alors considérer l’artiste comme un filtre révélant ce qui est déjà présent mais encore peu – ou pas – visible. Le reste de la sculpture est à l’avenant : des cimaises brutalement percées aux bardeaux en passant par l’ondobitume prématurément érodé ou le parquet aux motifs de gravier, c’est la destruction que portent en germe tous ces éléments liés à l’habitat préfabriqué que l’artiste fait ressortir.

Headbanging ou aristocratie de l’œil ?
Le titre de l’œuvre, on l’a vu, est emprunté à Sonic Youth. Le nom de l’exposition, Use once and destroy, vient quant à lui d’un morceau de Nirvana. Détails accessoires ? Pas vraiment, tant la musique de ces groupes et certaines de leurs paroles font écho aux œuvres de Stéphanie Cherpin. Tout comme ces musiques, les sculptures de Stéphanie Cherpin mélangent aspects rageurs et contemplation, jouissance de la création et réflexion nécessaire à son éclosion. Pour le dire autrement : si la création des œuvres de l’artiste nécessite une phase de transformation agressive des matériaux qui met l’artiste au bord de l’épuisement physique, la sculpture achevée est un objet très expressif, à la fois serein et apaisé, parfois aussi menaçant. L’alternative laissée aux visiteurs de l’exposition Use once and destroy est alors la même que celle donnée au public d’un concert de Sonic Youth : secouer la tête pour faire corps avec l’œuvre ou se tenir calmement à distance et en déguster la force implacable.

 Stéphanie Cherpin, Move on over here, slow it down, 2010. Production 40mcube. Courtesy galerie Cortex Athletico. Photo : Patrice Goasduff.
Stéphanie Cherpin, Move on over here, slow it down, 2010. Production 40mcube. Courtesy galerie Cortex Athletico. Photo : Patrice Goasduff.

Stéphanie Cherpin
Use once and destroy, part 1
Jusqu’au 18 décembre 2010
Entrée libre

40mcube
48, avenue Sergent Maginot
35000 Rennes
02 90 09 64 11
contact@40mcube.org
www.40mcube.org

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