[2021] Des bouqu’1 sous le sap1 #2 : L’éclaireur de Lynd Ward

Marre des statistiques covidées ? Marre du masque ? Marre du gel hydro-pas-alcoolique ? Marre des infos ? ça tombe bien, nous aussi ! Pour oublier cet environnement toxique, on vous propose une plongée sans filet dans notre sélection bigarrée de culture en papier sous forme de calendrier de l’avent bibliophile : Des bouqu’1 sous le sapin 4ème édition ! En guise de seconde étape, nous jetons un pavé graphique dans la mare et vous invitons à vous plonger corps et âme dans la formidable puissance graphique et narrative des gravures de Lynd Ward.

Les précurseurs les plus anciens de l’art de la Bande Dessinée restent encore trop souvent méconnus. Le travail de l’américain Lynd Ward fait partie de ceux là et on ne peut que remercier l’excellent éditeur Monsieur Toussaint Louverture pour sa superbe mise en lumière de l’œuvre singulière et fascinante du monsieur. S’il a également travaillé dans l’illustration et exploré divers techniques comme l’aquarelle, la peinture à l’huile, le pinceau, l’encre, la lithographie ou encore la Manière noire, c’est à ses six romans en images, entièrement gravés sur bois, que le très beau coffret L’éclaireur se consacre. On retrouve donc dans ces trois volumes, dans l’ordre chronologique de leur création : Madman’s DrumWild Pilgrimage, Prelude to a Million Years, Song Without Words et enfin son chef d’œuvre Vertigo. Avec une succession d’images au noir (ou parfois à l’orange) profond, toutes placées en belle page (celle de droite), Lynd Ward nous narre avec une finesse et une force peu commune d’éblouissantes histoires d’hommes et de femmes tentant malgré tout de réagir, de témoigner ou au moins de survivre aux injustices sociales ou aux tensions raciales de la société de la Grande Dépression ou de la montée des fascismes.

Il y a la beauté et la force sensorielle de ses gravures arrachées minutieusement au cœur de la planche. Grâce à l’éblouissante qualité de l’édition, on a presque l’impression d’en lire du bout des doigts les nervures et la texture. Ce travail insensé et intensément physique crée un lien entre l’homme et ses dessins qui fait que ces histoires gardent encore aujourd’hui une puissance de fascination remarquable. Il y a également l’immensité de l’espace et de la confiance faite à son lecteur ou sa lectrice. Par l’épure de cette narration purement visuelle et sans parole, l’auteur nous laisse une marge d’interprétation vertigineuse de prime abord mais qui s’avère un cadeau précieux sur la longueur ou dans nos relectures. Ses histoires, Lynd Ward ne nous les livre pas, ils nous les confie et c’est notre regard, notre attention à tel ou tel détail, à telle ou telle composition qui en construit le récit tumultueusement vivant et d’autant plus puissant.
Les six récits de ce recueil forment l’intégralité d’une œuvre (moins un roman inachevé). Cet ensemble est en lui-même une autre histoire : celle d’un défricheur insatiable, s’inspirant des travaux de Gustave Doré, Frans Masereel et d’Otto Nückel, se formant sans relâche pour affiner encore sa technique, ses dessins et sa narration. Ce septième récit, éclairé par les textes d’Art Spiegelman (l’auteur de Maus), n’est pas le moins passionnant de ce recueil déjà éminemment recommandable.

L’Éclaireur : les bois gravés de Lynd Ward (coffret de trois volumes) 1 456 pages
ISBN 979-10-90724-95-2 EAN 9791090724952
Éditions Monsieur Toussaint Louverture – 65€

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