[2019] Des bouqu’1 sous le sap1 #20 Sandinista – Vincent Brunner

Marre de l’esprit de Noël ? Marre du Black Friday et de sa conso qui va dans le mur ? Marre des chocolats ? Marre des joujoux en plastoc ? C’est reparti pour une nouvelle année d’une sélection bigarrée de livres en papier en forme de calendrier de l’avent bibliophile. On continue notre florilège avec une immersion dans le plus ambitieux, mais le moins accessible album de The Clash, Sandinista !

Le punk rock, c’est un peu comme le théâtre classique. Souvent, ça se résume, à, un lieue, un temps une action. Le premier album de Clash est typiquement construit sur ce schéma. Mais au fil de leur apprentissage, quand ils seront de moins en moins gênés par leurs instruments, ils vont progressivement s’écarter du cadre classique pour proposer une musique plus ambitieuse. Dès le 2ème album, même si certains peuvent y trouver une certaine facilité, le groupe s’éloigne déjà du punk rock sur-amphitaminé du 1er album. Les compositions et l’enregistrement font que le résultat est toujours aujourd’hui très largement au dessus de la moyenne. Puis début 1979, c’est la débandade du punk. Sid, le vicieux, poignarde sa copine, atterri en taule et fait une OD fatale. Le Clash lui part à l’assaut du nouveau monde. La tournée s’appelle « Pearl Harbour Tour » et les gigs commencent systématiquement par le bien nommé «I’m so bored with the USA ».

De retour à Londres, il faut prendre un nouveau chemin. Celui du punk est mort. Première décision, on vire Bernie Rhodes, le manager trop encombrant qui réclamait toujours, le ‘Contrôle Total’. Résultat des courses, le groupe est à la rue et fini par dénicher un local sur les quais de la Tamise. C’est là que va naitre London Calling, le double album mythique où Clash négocie avec finesse sa reconversion post-punk. L’album on le sait est un melting-pot sonore, mais qui reste très ancré dans le rock classique malgré quelques belles incursions très remarquées vers le reggae.

Mais le plus grand apport de London Calling, et qui n’est pas directement visible, c’est que le groupe à grandi, qu’il a conquit sa liberté et qu’il est enfin prêt à quelque chose de plus grand et ce quelque chose va donner Sandinista. Si London Calling est souvent cité comme l’album de référence du Clash, c’est finalement souvent par défaut. Mais les vrais fans, savent eux, que le génie et le grand coup d’éclat c’est Sandinista. Pour reprendre mon analogie initiale, c’est comme si en l’espace de 4 ans, le Clash avait transformé le théâtre classique en un ballet contemporain.

L’album est complexe. 6 faces, 36 chansons et l’ensemble n’est pas très homogène. C’est la grande critique qui s’abat sur le groupe. Pourquoi s’emmerder à pondre un triple album comme au grand temps du rock progressif. Le punk n’était-il pas justement l’arrêt de toutes ces conneries ? Depuis 1980 ans les fans s’étripent tous sur le sujet. Pourquoi ne pas avoir fait un sublime simple album avec la crème de la crème, voir un terrible double ? Non The Clash voulait sur un temps donné, offrir à ses fans tous ce qu’ils étaient capables de faire. Et le résultat est là. Le groupe, ces petits punks rockers, nous offrent un album où l’on croise du rap, du reggae, du rock classique, du rockabilly, du dub, de la musique de la Nouvelle Orléans, du disco (horrible), du jazz, du gospel, du folk, et même une valse … Bref, effectivement, l’album part dans tous les sens, mais le résultat si on comprend que l’on aura autre chose que du punk rock bas du front, est à la hauteur des ambitions du groupe.

Vincent Brunner, nous raconte tout cela et même plus. L’album ne s’est pas écrit en un seul jour et il y a un vrai travail de recherche qui permet de démêler le fil de cette énorme pelote. C’est aussi, la première fois qu’un travail de cette ampleur est réalisé sur ce magnifique album. Bizarrement les livres qui parlent du Clash sont toujours assez succins sur le sujet, comme si l’analyse de l’album était une tâche trop ardue ou complexe. En tout cas, c’est amusant de voir que c’est finalement un Français qui est le premier à relever ce défi. Enfin, la lecture du livre permet aussi de se replonger avec délectation dans les méandres de Sandinista et de nous en donner quelques clefs. Car 39 ans après la sortie du disque, même les fans les plus aguerris n’en n’ont pas encore fait totalement le tour.

On peut aussi signaler dans la même thématique, le magnifique triple coffret de nouvelles dédié à Sandinista qui est paru fin 2018 chez l’éditeur Rennais Goater. Le principe, c’est 3 livres dans un coffret, avec sur chacun, 12 nouvelles, une par chanson. Le résultat est identique à l’album, c’est riche, drôle, noir, triste, sexy, etc. bref tout aussi foutraque avec toujours de grands moments de littérature délivré par la fameuse bande de pistoleros qui suivent inconditionnellement Jean-Noël Levavasseur dans toutes ses aventures rockandrollesque.

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Sandinista – Vincent Brunner : éditions Castor Astral : ISBN 979-10-278-0196-1
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Retrouvez notre sélection 2018 par là.

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